Theory and History of Ontology (ontology.co)by Raul Corazzon | e-mail: rc@ontology.co

René Descartes. Bibliographie Chronologique et Annotée (Première Partie: 1616-1628)

Contents of this Section

The Philosophy of René Descartes

Introduction

Cette bibliographie des œuvres de Descartes en ordre chronologique tient compte aussi des publications non comprises dans l'édition Adam-Tannery; dans les citations l'orthographe, qu'à la fin du XVIIe siècle n'était pas encore totalement fixée, est modernisée; pour chaque texte je donne la référence aux suivant éditions:

  • AT = Charles Adam, Paul Tannery (éds.), René Descartes, Œuvres, Nouvelle présentation par J. Beaude, P. Costabel, A. Gabbey et B. Rochot, Paris: Vrin 1964-1974 (Édition du Jubilé, 1996, 11 volumes); première édition 1897-1913 (Les tomes I-V contiennent la Correspondance).

  • B Op. I = Giulia Belgioioso (éd.), René Descartes, Opere 1637-1649, con la collaborazione di I. Agostini, F. Marrone, M. Savini, Testo francese e latino a fronte, Milano: Bompiani, 2009.

  • B Op. II = Giulia Belgioioso (éd.), René Descartes, Opere postume 1650-2009, con la collaborazione di I. Agostini, F. Marrone, M. Savini, Testo francese e latino a fronte, Milano: Bompiani, 2009.

  • CO = Vincent Carraud, Gilles Olivo (éds.), René Descartes, Étude du bon sens, La recherche de la vérité et autres écrits de jeunesse (1616-1631), Paris: Presses Universitaires de France 2013.

  • O I = Jean-Marie Beyssade et Denis Kambouchner (éds.), René Descartes, Œuvres complètes I. Premiers écrits. Règles pour la direction de l'esprit, Paris: Gallimard, 2016.

  • O III = Jean-Marie Beyssade et Denis Kambouchner (éds.), René Descartes, Œuvres complètes III. Discours de la Méthode et Essais, Paris: Gallimard, 2009.

Pour la Correspondance, je donne les réfèrences aux éditions Adam-Tannery (AT, volume et pages), Armogathe (O VIII, 1 et 2, volume et pages), Belgioioso (B, et le nombre de la lettre).

Pour la liste des éditions de références et des abréviations voir René Descartes. Outils de recherche: Biographies, Dictionnaires et Lexiques des Ses Œuvres

L'Inventaire des écrits de Descartes

  • [Inventaire de Stockholm] Inventaire succinct des Écrits. 1656.

    AT X 5-12; Note manuscrite de Leibniz des papiers de Descartes (AT X 208-209).

    Inventaire des papiers qu'il avait emportés en Suède; un autre inventaire, rédigé à Leyde n'a pas été retrouvé.

    "A la mort de Descartes, 11 février 1650, un inventaire fut dressé à Stockholm, le 14 février, des papiers qu'il avait emportés en Suède, et un autre à Leyde, le 4 mars, de ceux qu'il avait laissés en Hollande. Baillet, dans sa Vie de Monsieur Des-Cartes 1691, t. II, p. 427-8, et 428-9), nous apprend, avec force détails, comment ont été faits les deux inventaires; mais il ne donne le texte ni de l'un ni de l'autre. Des recherches faites en Hollande (septembre 1894), pour retrouver le second, n'ont pas abouti. Et d'ailleurs nous savons, par des témoignages du temps, que Descartes avait emporté à Stockholm ses papiers principaux."

    (Charles Adam, AT X, pp. 1-2, notes omises)

    Une traduction latine abrégée de l'inventaire se trouve dans: Pierre Borel, Elenchus manuscriptorum Cartesii Stocholmi repertorum post Eius obitum anno 1650, in: Vitae Renati Cartesii summi philosophi compendium, Paris 1656, pp. 16-19; texte français publié en 1887 par Bierens de Haan et, dans un version révisée, par Charles et Henri Adam en 1894 (AT X pp. 5-12).

    Dans l' Introduction à l'édition critique de la correspondance de l'an 1643, Theo Verbeek a montré que l'inventaire n'a pas été rédigé à Stockholm le 14 février 1650, mais à La Haye avec la collaboration de Christiaan Huygens à la fin du 1653 ou au début du 1654 (The Correspondence of René Descartes 1643, édité par Theo Verbeek, Erik-Jan Bos, Jeroen van de Vern, Utrecht, Zeno Institute for Philosophy The Leiden–Utrecht Research Institute, 2003, pp. XV-XXI).

    "All this confirms that the ‘Stockholm inventory’ cannot date from 1650. In fact, it is likely that it was made in The Hague, with the help of Christiaan Huygens, somewhere at the end of 1653 or the beginning of 1654, that is, almost four years after Descartes’ papers came into Chanut’s possession." (p. XXI).

Bibliographie

  1. Armogathe, Jean Robert, Carraud, Vincent, and Feenstra, Robert. 1616. "La Licence en droit de Descartes : un placard inédit de 1616." Nouvelles de la République des Lettres no. 2 (1988):123-145.

    Retrouvée en 1981 à Poitiers, manque dans AT.

    Édition critique du texte latin (pp. 125-131) avec la traduction en français, (pp. 131-133) de la thèse en droit soutenue à Poitiers le 21 décembre 1616.

    Première édition : Jean-Robert Armogathe et Vincent Carraud, "Texte original et traduction française d'un inédit de Descartes: Dédicace du placard de la licence en droit", Archives de Philosophie, 50, 1987, Bulletin Cartésien XV, pp. 1-4.

    Texte latin et traduction française, CO, pp. 21-29; texte latin et traduction italienne, B Op. II, 1454-1461; nouvelle traduction par Jean-Marie Beyssade et Michelle Beyssade avec la collaboration d'André Laingui, O I, 46-49.

    Traduction anglaise dans : Kurt Smith, "Descartes' Life and Works", The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Edward N. Zalta (ed.), (URL = plato.stanford.edu/entries/descartes-works/).

    "Les écrits authentiques du jeune Descartes sont rares : la lettre d'un jeune Descartes, «collégien à La Flèche», devant être attribuée à son frère Pierre, les premiers textes repérés remontent aux manuscrits décrits dans l'inventaire de Stockholm; ils ne nous sont parvenus que par les extraits traduits par A. Baillet dans sa Vie ou dans les textes, aujourd'hui perdus, publiés et traduits par Foucher de Careil.

    Le document que nous présentons est donc important à double titre: par les renseignements biographiques nouveaux fournis sur une période encore mal connue de la vie de René Descartes, d'une part; par le texte lui-même, d'autre part. Nettement plus longue que les dédicaces habituelles des placards de thèses, la dédicace de 1616 se présente comme une autobiographie intellectuelle, et même comme une «histoire de [mon] esprit» (pour reprendre, en anticipant, l'expression de Guez de Balzac): c'est ce qui nous a autorisé, dans l'annotation, à citer fréquemment la première partie du Discours de la Méthode. « Le philosophe qui dit 'je' » est d'abord celui qui «représente sa vie» et écrit l'histoire de ses études jusqu'à ce qu'il fût «reçu au rang des doctes», l'histoire de son esprit. De cette dédicace, Descartes aurait déjà pu dire : «ne proposant cet écrit que comme une histoire»." (p. 123).

  2. Descartes, René. 1618-19?; 1628? L'art de l'escrime (Extraits de Baillet).

    Baillet I 35, II 407; AT X, 535-538; B Op. II, 916-917.

    "Descartes passa l’hiver de la fin de 1612 et du commencement de 1613 dans la ville de Rennes, à revoir sa famille, à monter à cheval, à faire des armes, et aux autres exercices convenables à sa condition. On peut juger par son petit traité d'Escrime s’il y perdit entièrement son temps." Baillet I, VIII, 35.

    "Nous trouvons aussi parmi les manuscrits de M. Descartes un petit traité touchant la manière de faire des armes sous le titre de l'Art d'escrime, où il paraît que la plupart des leçons qu’il y donne sont appuyées sur sa propre expérience. Après avoir dit quelque chose en général de la qualité de l'épée et de la manière de s’en servir, il divise son traité en deux parties.

    Dans la première il fait « voir comme on peut s’assurer contre tous les efforts de l’adversaire, et en tirer de l'avantage pendant qu’on est en mesure longue, et comme on peut le mettre sûrement en mesure courte ». Dans la seconde il examine comment étant entré en mesure courte, on peut infailliblement vaincre. Et pour cela il suppose deux hommes d'égale grandeur, d’égale force, et d’armes égales, se réservant à marquer ensuite ce qu’il y a à faire en cas d’inégalité."

    Baillet II, XX, 407 ; Abrégé 23 et 326.

    Selon Paul Adam la date de composition de ce petit traité (aujourd'hui perdu) serait le 1628 ; selon Carraud et Olivo, 1618-1619 (CO, pp. 35-36) .

  3. Beeckman, Isaac. 1618-19. Extraits du Journal tenu par Isaac Beeckman.

    Le Journal tenu par Isaac Beeckman de 1604 à 1634, (abrégé CDW) a été publié en quatre volumes par Cornelis de Waard, La Haye: Martinus Nijhoff, 1939-1953.

    Texte latin AT X : I. Varia, 44-66; B Op. II, 1316-1335; II. Physico-mathematica, 67-78; B Op. II, 1336-1351; traduction par Frédéric de Buzon, O I, Notes du Journal (1618-1619), 85-97; Opuscules de Descartes insérés dans le Journal de Beeckman 98-106.

    AT X, I. Varia : Angulum nullum esse male probavit Des Cartes 46 ; II. Turbo puerorum, id est een worptop, cur erectus flet, cùm vertitur 51 ; III. Chordae majores intactas minores et consonantes tactae movent 52 ; IV. Physico-mathematici paucissimi 52 ; V. Fistula fortius inflata cur in octavam abeat 53 ; VI. Testudinis (een lute) chordas disponere 53 ; VII. Quartâ à consonante chorda remota non tremit. — Quarta à quintâ dignoscere 54 ; VIII. Quadratum radici aequale datum 54 ; IX. Mr. Duperon 56 ; X. Bisectio in musicis facillima et gratissima 56 ; XI. Lapis cadens in vacuo cur semper celerius cadat 58 ; XI bis. Lapidis cadentis tempus supputatum 58 ; XII. Modi non dulces et iclus testimonio probati 61 ; XIII. Modi modorum argumento probati 62 ; XIV. Modi modorum ab objeftione defensi 63 ; XV. Ars Lulli cum Logicâ collata 63-66.

    AT X, II. Physico-mathematica : I. Aquae comprimentis in vase ratio reddita à D. Des Cartes 67 ; II. Lapis in vacuo versus terrae centrum cadens quantum singulis momentis motu crescat, ratio Des Cartes 72-74.

    "Une des découvertes les plus importantes pour la compréhension de l'évolution de la pensée cartésienne fut celle du Journal tenu par Isaac Beeckman de 1604 jusqu'à sa mort, survenue le 19 mai 1637 (*). C. de Waard retrouva ce manuscrit à la bibliothèque de Middelburg en juin 1905; immédiatement avisé, Ch. Adam en tint compte dans le tome X des Œuvres de Descartes. Cela suppose une grande rapidité de travail : le tome X parut en 1908, mais l'Avertissement d'Adam est daté du 15 décembre 1905. D'autres fragments du Journal, beeckmaniens cette fois, paraissent dans l'édition que le même C. de Waard donne de la Correspondance de M. Mersenne à partir de 1933. On peut remarquer qu'à mesure que les textes de Beeckman sont connus, se modifie favorablement l'image de leur auteur ; il est vrai qu'elle était d'assez mauvaise qualité au rapport de certaines lettres de Descartes, et surtout de Baillet. Un témoin de cette évolution est A. Koyré, qui écrivait en 1939 dans les Études Galiléennes, p. 108-9 que « la publication par M. Cornelis de Waard de nouveaux fragments du Journal de Beeckman (...) a modifié sensiblement l'image que l'on se faisait, ou plus exactement que l'on ne se faisait pas du Physicien hollandais. En effet, Beeckman, on s'en rend compte maintenant, mérite pleinement l'appellation de vir ingeniosissimus dont l'avait gratifié Descartes ; et, ce qui plus est, il nous apparaît désormais comme un chaînon de première importance dans l'histoire de l'évolution des idées scientifiques ; enfin, son influence sur Descartes semble avoir été beaucoup plus profonde que l'on n'a pu le supposer jusqu'ici (...). » A fortiori, cette image s'améliore encore davantage grâce à la publication de la quasi intégralité du Journal par, encore et toujours, C. de Waard. Les quatre tomes de cette édition paraissent à La Haye entre 1939 et 1953 ; ils renferment avec l'indication du foliotage l'essentiel des notes scientifiques, à l'exception très notable de la copie que Beeckman fit faire du Compendium Musicae vers 1628, de quelques notes d'intérêt divers: détails familiaux, observations météorologiques, informations maritimes etc.

    (...)

    Le Journal est décrit avec une grande exactitude dans le premier tome de l'édition, pp. XXV-XXXIV ; il se compose d'environ cinq cents feuilles contenant de brèves notes de lecture, de pensées propres, et de remarques concernant les rencontres que faisait Beeckman. Les notes relatives à Descartes ont en premier attiré l'attention, et ceci justement. L'intérêt des renseignements fournis par Beeckman est en effet capital. Les textes cartésiens consignés sont les premiers que nous connaissons, et il apparaît invraisemblable que l'on en découvre d'antérieurs. D'autre part, ils occupent une position critique dans la vie du philosophe ; ils terminent les années d'étude, et débutent une production propre. Descartes rencontra Beeckman (1) le 10 novembre 1618 à Breda. Très rapidement une estime mutuelle s'installe : « Ce Poitevin a fréquenté beaucoup de Jésuites et autres hommes de science. Il dit cependant n'avoir jamais rencontré personne, à part moi, qui use, ce dont je me réjouis, de ce mode d'étude, et joigne exactement la physique avec la mathématique. Et moi, je n'ai jamais parlé qu'à lui de ce mode d'étude (2) ». A de nombreuses reprises les suites de cette rencontre ont été décrites (3); en particulier, les commentateurs mettent en relation les fragments cartésiens du Journal avec les Cogitationes Privatae. C'est le cas de l'ensemble des Premières Pensées de Descartes, que M. H. Gouhier publia en 1958 (Paris, Vrin). D'une façon générale, on peut dire cependant que les historiens des sciences ont fait porter l'accent sur des problèmes « nobles » tels celui de la chute des graves; en revanche, sauf exceptions, ont été négligés les problèmes relatifs à l'acoustique, que nous voudrions décrire avec quelques détails." (pp. 1-3; Frédéric de Buzon, Descartes, Beeckman et l'acoustique, Archives de philosophie, 44, 1981, pp. 1-8).

    (1) La rencontre est racontée par Lipstorp puis Baillet, cités dans A-T, X, p. 47-51. Voir G. Rodis-Lewis, L'œuvre de Descartes, Paris, Vrin 1971, p. 25 et note p. 435.

    (2) Nous reprenons la traduction de Mme Rodis-Lewis (op. cit., p. 26) en rétablissant, contre une suggestion d'A-T X, p. 52, le texte original: le g de gaudeo est parfaitement lisible sur le ms.

    (3) Voir les notes bibliographiques de Mme Rodis-Lewis, op. cit., et C. L. Thiss-Schoute, Nederlands cartesianisme, Amsterdam 1954, pp. 557-560.

    (*) [Beeckman était né le 10 décembre 1588]

    "Examinons, dans cette masse énorme de documents, ceux qui se rapportent sans conteste à Descartes, puisqu'il y est nommé. Ils se trouvent en quatre endroits différents :

    [1618-1619]

    1. — Fol. 97 verso, à fol. 1 18.

    2. — Fol. 160 recto, à fol. 178 verso.

    3. — Fol. 287 verso, à fol. 290 verso.

    [1628-1629]

    4. — Fol. 333 recto, a fol. 334 recto, 1. 34. — Fol. 338 recto, 1. 9, à fol. 340 recto, 1. 24. — Fol. 341 verso, 1. i6-3o. — Fol.* 352 recto, 1. 8-24." (Charles Adam, AT X, Avertissement, p. 22).

  4. Descartes, René. 1618. Musicae Compendium.

    AT X, 89-141; B Op. II, 30-105; traduction française par Frédéric de Buzon, O I, 149-189.

    Le manuscrit original est perdu ; première édition posthume: Musicae compendium, Trajecti ad Rhenum: Gisberti a Zyll & Theodori ab Ackersdijck, 1650.

    Traduction française sur le manuscrit originel par Nicolas-Joseph Poisson (1637-1710) publiée dans : Traité de la mechanique composé par Monsieur Descartes. De plus l’abrégé de musique du mesme autheur mis en françois. Avec les éclaircissemens nécessaires (l'Abrégé est à pp. 53-98 ; les Elucidationes physicae in Cartesii musicam de N.-J. Poisson à pp. 101-127), Paris, 1668 (reprint: Abrégé de musique, suivi des Eclaircissements physiques sur la musique de Descartes, Paris, Méridiens Klincksieck, 1990, introduction et notes par Pascal Dumont, préface de Joseph-François Kremer).

    Édition critique avec traduction, présentation (pp. 5-49) et notes par Frédéric de Buzon, Abrégé de Musique. Compendium Musicae, Paris: Presses Universitaires de France, 1987.

    C'est la première œuvre de Descartes, rédigée du 10 novembre au 31 décembre 1618 pour son ami Isaac Beeckman.

    Le Journal de Beeckman contient "la copie du Compendium Musicae que Descartes, à Bréda, remit à Beeckman pour ses étrennes de 1619. Celui-ci le confia en 1627 au copiste qui écrivait en gothique et qui copia encore d'autres documents de la même époque (...). Lorsque Beeckman fit relier ses papiers en 1628, cet écrit et ceux du même lot devaient interrompre l'ordre chronologique des notes. Beeckman restitua l'original à Descartes en 1629. Depuis lors divers savants hollandais en prirent des copies : Constantin Huygens en 1637 et Van Schooten vers 1640, dont les exemplaires sont conservés respectivement à la Bibliothèque de l'Université de Leyde et à celle de l'Université de Groningue." (Cornelis de Waard, Avertissement au premier volume du Journal tenu par Isaac Beeckman de 1604 à 1634. Tome 1 : 1604-1619, The Hague: Martinus Nijhoff, 1939, p. XXXVIII.)

    Sur l'approche mathématique de Descartes à la musique, voir la lettre à Beeckman du 24 janvier 1619: "Si vous considérez cela, et le reste de ma Musique, (8) avec attention, vous verrez que tout ce que j'ai écrit des intervalles des consonances, des degrés et des dissonances s'y trouve démontré de façon mathématique, mais en gros, de manière confuse et beaucoup trop concise.

    Mais en voilà assez pour aujourd'hui. Le reste à plus tard." (AT X 153; O VIII 2, 320; B 1).

    (8) Le Compendium musicae, offert à Beeckman quelques semaines plus tôt.

    "Comme l'indique son nom, le Compendium Musicae est un traité de musique, et non pas d'harmonie ; ce terme même n'apparaît pas. Cette remarque prend de l'intérêt lorsque l'on aperçoit que, situation unique à notre connaissance, le rythme est traité avant les consonances et les problèmes de hauteur. D'autre part, un ensemble de propositions préalables, les Praenotanda, définit les limites de l'objet musical, et plus généralement de l'objet esthétique ; ces propositions produisent également la théorie du rythme et la théorie de la consonance. On comprend aussi qu'on ait pu en inférer une esthétique cartésienne (10)." (Frédéric de Buzon, Présentation, p. 8).

    (10). V. O. Revault d'Allones, L'esthétique de Descartes, Revue des Sciences humaines, n° 61, 1951.

    "Les commencements d'une méthode.

    Lorsqu'il publia une nouvelle édition du Discours de la Méthode le P. Poisson remplaça, en quelque sorte, la Géométrie par un traité de mécanique, l'Explication des machines et engins, et par la traduction de l'Abrégé. [*] Ces deux œuvres étaient donc promues au rang d'essais de la méthode, au même titre que la Dioptrique et les Météores. Il y a là un abus évident, puisque les Essais étaient avec le Discours œuvres publiques, alors que les opuscules ainsi annexés n'étaient pas évidemment destinés à être publiés ; et l'Abrégé moins encore, que son auteur destinait aux seules archives beeckmaniennes. De plus, si l'on admet que la méthode de Descartes est contenue initialement dans les Regulae, et si l'on date le plus probablement cet ouvrage autour de 1628, on ne peut croire que l'Abrégé soit la mise à l'épreuve d'une méthode que Descartes ne révélerait à lui-même que dix ans après.

    Il reste que l'assimilation de Poisson fait signe vers un problème majeur, celui de la méthode de Descartes avant la méthode, qui pourrait contribuer à définir certaines constantes logiques, voire psychologiques à l'œuvre dès 1618. Quelques caractères peuvent sans doute être ainsi décrits.

    En premier lieu, on peut noter qu'à la différence des traités de musique antérieurs — que Descartes n'a pas sous la main (43) —, et à l'unisson des productions scientifiques et philosophiques ultérieures, l'Abrégé néglige à peu près toute référence historique, et ne fonde jamais la vérité de son discours sur la moindre évocation des autorités passées; le traité est suffisant par rapport à la chose même, et comme dans la Géométrie, Descartes laisse à son lecteur le soin de tirer les conclusions des prémisses. Il n'y a là que l'essentiel. Ce qui explique à la fois l'importance du traité dans l'histoire de la théorie (44), et un certain mépris dans la musicologie classique (45).

    De plus, si la méthode n'est jamais thématisée pour elle-même dans l'Abrégé, elle offre des analogies intéressantes avec la suite de l'œuvre. On a déjà souligné le fait que Descartes procède constamment du simple au complexe; mais on peut aussi considérer la corde, réduite à sa seule dimension de longueur, comme, précisément une dimensio, au sens de la Règle XIV, c'est-à-dire « le mode et la raison, selon laquelle on considère que quelque sujet est mesurable » (46), ou bien une nature simple. Autre nature simple, le temps, et ses divisions qui correspondent aux passions du corps ; l'Abrégé ainsi se borne à étudier les paramètres par lesquels la musique est mesurable, en négligeant les qualités (timbres, nuance forte / piano, etc.), laissés aux physiciens (47).

    Enfin il est remarquable que Descartes réduise la connaissance de la nature réelle du son et de sa perception par l'oreille au minimum nécessaire à une théorie de l'art. Il y a d'ailleurs une continuité au plan même des exemples avec les textes ultérieurs ; la Règle XIII évoque la question discutée vers 1628 par Mersenne et Beeckman relative aux cordes de grosseur et de tension différentes; comme il l'avait fait en 1618, Descartes met entre parenthèses toute référence à la vibration de la corde, cette donnée n'étant pas conçue comme nécessaire (48).

    Ainsi, l'écrit de circonstance qu'est le Compendium Musicae a des résonances précises dans l'œuvre ultérieure, tant du côté de l'application de la mathématique à la réalité physique que du côté de la physiologie et de la théorie des passions. C'est sur ce double registre que joue constamment Descartes ; si l'art a pour fin d'émouvoir les passions, définition commune à Descartes et à Caccini (49), il reste la tâche philosophique de connaître ces passions; les silences de Descartes sur les passions forment ainsi l'indication d'un programme (50).

    Il resterait à définir la musique de Descartes après le Compendium; elle est connue par la correspondance, et l'on sait le talent de critique déployé par Descartes dans la querelle de Boësset et de J. A. Ban; mais l'ensemble paraît inachevé: « Si je ne meurs que de vieillesse, j'ai encore envie quelque jour d'écrire de la théorie de la musique » (51)." (Frédéric de Buzon, Abrégé de Musique, cit., Présentation, pp. 16-18).

    [*] Discours de la Méthode, plus Dioptrique, les Météores, la Mécanique et la Géométrie, qui sont des essais de cette méthode, Paris: Ch. Angot, 1668.

    (43). Descartes indique ne pas se rappeler certaines propriétés, AT X, p. 133 et p. 140.

    (44). Dans une bibliographie abondante, on relèvera ici que W. C. Printz, dans l'Historische Beschreibung der Sing- und Klingkunst, Dresde, 1690, chap. XII, § 72, fait gloire à Descartes d'avoir le premier considéré la tierce majeure comme une consonance parfaite ; que Rameau, Traité de l'harmonie, Paris, 1722, dérive du Compendium la plupart des concepts initiaux. V. aussi les appréciations de H. Riemann, Geschichte der Musiktheorie, Berlin, 1921, p. 419-420.

    (45). Le Descartes et la musique d'A. Pirro (Paris, Fischbacher, 1907, rééd. Genève, Vlinkoff, 1973) est un brillant exemple de mésinterprétation du projet cartésien, en ce qu'il néglige les enjeux physico-mathématiques, et favorise exagérément l'interprétation des règles de composition.

    (46). Règles pour la direction de l'esprit, AT X, p. 447, trad. J.-L. Marion, La Haye, Nijhoff, 1977, p. 67.

    (47). AT-X, p. 89.

    (48). V., dans l'édition citée supra des Règles, l'Annexe v du P. Costabel sur la loi des cordes vibrantes.

    (49). G. Caccini, Le nuove musiche, Florence, 1601. L'analogie des formules caccinienne et cartésienne est signalée par G. Rodis-Lewis, "Musique et Passions au XVIe siècle (Monteverdi et Descartes)", Dix-septième siècle, 1971, n° 92 (cette étude portant essentiellement sur la querelle Ban-Boësset, à partir du tome X de la Correspondance de M. Mersenne).

    (50). AT-X, p. 111 et 140.

    (51). Descartes à Constantijn Huygens (4 février 1647), AT IV, 791 [O VIII 2, 162; B 601).

  5. ———. 1619. [Registre de 1619].

    Le registre autographe de Descartes, légué par Clerselier à l’abbé Legrand, a été perdus après la mort de Legrand dès 1704.

    Index des titres: Parnassus (18 fuillets); Praeambula (4 pages); Experimenta (cinq feuillets et demi); Democritica (sept ou huit lignes); Olympica.

    CO, 50-83: Les fragments philosophiques sont édités (52-64), traduits (53-65) et annotés (67-83) dans : "<Registre de 1619> Parnassus, Democritica, Praembula, Experimenta; Parnasse, Démocritiques, <Notes:>, Préambules, Observations, <Inventer>.

    "L'article C de l'Inventaire de Stockholm énumère plusieurs titres de petits traités, que Descartes avait écrits, ajoute-t-on, « en sa jeunesse ». Les textes originaux, remis comme nous savons à Clerselier, sont, à l'heure qu'il est, malheureusement perdus. Toutefois quelque chose, et même, on peut le dire, l'essentiel en a été conservé par deux voies différentes. Baillet eut ces textes entre les mains, et il en fît mention, et les traduisit même en plusieurs endroits, dans sa Vie de Monsieur Des-Cartes en 1691. D'autre part, les mêmes textes avaient été mis déjà par Clerselier à la disposition de Leibniz, pendant un séjour de celui-ci à Paris en 1675-76 ; Leibniz en avait pris une copie, et cette copie fut déposée plus tard avec ses papiers à la Bibliothèque royale de Hanovre." (AT X, Avertissement, p. 173).

    "M. Chanut ambassadeur de France en Suède, et le baron de Kroneberg commis par la reine Christine, pour assister à l'inventaire de ce qu’il avait laissé à sa mort, trouvèrent parmi les écrits de sa composition un registre relié et couvert de parchemin, contenant divers fragments de pièces différentes auxquelles il paraît qu’il travailla pendant ce temps-là. C'était: 1. Quelques considérations sur les sciences en général [le titre du manuscrit est Parnassus]; 2. Quelque chose de l'algèbre, 3. Quelques pensées écrites sous le titre Democritica; 4. Un recueil d’observations sous le titre Expérimenta; 5. Un traité commencé sous celui de Preambula: Initium sapientiæ timor Domìni; un autre en forme de discours, intitulé Olympica, qui n’était que de douze pages, contenait à la marge, d’une encre plus récente, mais de la même main de l’auteur, une remarque qui donne encore aujourd’hui de l’exercice aux curieux. Les termes auxquels cette remarque était conçue portaient: XI Novembris 1620, cœpi intelligere fondamentum Inventi mirabilis, dont M. Clerselier ni les autres cartésiens n’ont encore pu donner l’explication. Cette remarque se trouve vis-à-vis d'un texte qui semble nous persuader que cet écrit est postérieur aux autres qui sont dans le registre, et qu’il n’a été commencé qu’au mois de novembre de l’an 1619. Ce texte port ces termes latins: X Novembris 1619, cùm plenus forem Enthoumsiasmo, & mirabilis scientiæ fundamenta reperirem &c.

    Mais le principal de ces fragments, et le premier de ceux qui se trouvaient dans le registre était un recueil de Considérations mathématiques, sous le titre de Parnassus, dont il ne restait que trente-six pages. Le sieur Borel a cru que c’était un livre composé l’an 1619, sur une date du premier jour de janvier, que M. Descartes avait mise à la tête du registre. Mais il se peut faire que la date n’ait été que pour le registre en blanc, et qu’elle n’ait voulu dire autre chose, sinon que M. Descartes aura commencé à user de ce registre le premier de janvier 1619, pour continuer de s’en servir dans la suite des temps selon ses vues et sa volonté. L’opinion du sieur Borel n’en est pourtant pas moins probable, puisque M. Chanut a remarqué dans l’Inventaire de M. Descartes que tous les écrits renfermés dans ce registre (a) paraissent avoir été composés en sa jeunesse." (Baillet I, 50-51)

    (a) Coté C de l'Inventaire.

    "Descartes est mort à Stockholm le 11 février 1650 ; trois jours après, le 14, un inventaire fut dressé des papiers qu'il avait emportés en Suède (*). Il en reste deux copies ; l'une, assez fautive appartenait à Constantin Huygens et se trouve à la Bibliothèque de l'Université de Leyde; l'autre, qui est à la Bibliothèque nationale, vient sans doute de la collection Clerselier. Charles Adam a soigneusement édité ce texte au début du tome X des Œuvres.

    Cet inventaire contient vingt-trois articles, A à Z, les lettres I et J ne comptant que pour une, et de même U et V. Les écrits les plus anciens de Descartes se trouvent à l'article C (1).

    Il s'agit d' « un petit registre en parchemin, quotté en dedans de la couverture: Anno 1619 Kalendis Januarii ». Ceci veut dire que Descartes a décidé, le 1er janvier 1619, de se servir de ce registre.

    Ouvrons-le. Il se présente ainsi :

    1° « 18 feuillets de considérations mathématiques sous un titre : Parnassus. »

    2° « six feuillets vides »

    3° « six feuillets écrits »

    4° « En prenant le livre d'un autre sens, le discours intitulé Olympica, et à la marge : XI Novembris coepi intelligere fundamentum inventi mirabilis. »

    5° « Reprenant le livre en son droit sens, sont deux feuillets écrits, de quelques considérations sur les sciences ; »

    6° « puis une demi-page d'algèbre »

    7° « puis douze pages vides »

    8° « puis sept ou huit lignes intitulées Democritica »

    9° « huit ou dix feuillets blancs » (2)

    10° « cinq feuillets et demi écrits, mais en tournant le livre, sous ce titre Experimenta »

    11° « douze feuilles blanches »

    12° « quatre pages écrites sous ce titre : Praeambula. Initium sapientiae timor Domini. »

    « Tout ce livre cotté C, ajoute l'auteur de l'inventaire, paraît avoir été écrit en sa jeunesse. »

    L'examen de ce registre montre deux choses :

    D'abord, la plupart de ces écrits semblent n'être que des commencements destinés à recevoir une suite sur les pages blanches que le jeune homme laisse après chacun d'eux.

    Ensuite, le cahier a été commencé par les deux bouts."

    (1) AT X, p. 7-8.

    (2) Les mots « huit ou dix feuillets » peuvent paraître étranges ; en fait, il y a huit feuillets blancs + le verso de la feuille dont le recto porte les Democritica + le verso du dernier feuillet des Experimenta.

    Henri Gouhier, Les premières pensées de Descartes, Paris, Vrin, 1979 pp. 11-12.

    (*) Sur la date voir la note a l'Inventaire succinct des écrits [Inventaire de Stockholm].

  6. ———. 1619. [Registre de 1619:] Parnassus (Ms. de Leibniz : Cogitationes privatæ).

    Première édition (texte latin et traduction française) : Foucher de Careil I, 2-56; AT X, 213-248; B Op. II, 1060-1095; traduction par Frédéric de Buzon et André Warusfel, O I, 198-214.

    "Je terminerai complètement mon traité avant Pâques, et si je trouve des libraires et s'il me paraît digne, je le publierai comme je l'ai promis aujourd'hui, 1620, 23 février" (AT X, p. 218, original en latin): nous ne savons pas à quel écrit se réfère Descartes.

    "Nous pensons comme Henri Gouhier que la partie physique et mathématique des Cogitationes privatae a de bonnes chances de reproduire le Parnassus, qui s'ouvre avec le souvenir de la rencontre de Beeckman du 10 novembre 1618 (AT X, 219, 5). "

    (CO, p. 67).

    "Le texte de ces dernières notes surtout, tel que l'a donné Foucher de Careil, est des plus défectueux. Et comme le manuscrit manque, pour contrôler ce texte et y faire les corrections nécessaires, grand a été notre embarras. Le regretté Paul Tannery eût sans aucun doute réussi à déchiffrer ces énigmes; mais nous l'avons perdu trop tôt, et avant qu'il eût pris la peine d'y regarder de près. Nous avons dû nous adresser ailleurs. Par bonheur, une des lettres à Beeckman, qui viennent d'être retrouvées, nous fournissait la preuve que Descartes s'était encore servi, en ces premières années, de caractères cossiques (voir ci-avant, p. 155-156)."

    (...)

    "Gustav Enestrom, directeur de la Bibliotheca Mathematica, à Stockholm, possède en pareille matière la plus incontestable autorité. Fort obligeamment, il voulut bien se mettre à l'œuvre, et travailler pour Descartes : comme on pouvait s'y attendre, il remit tout en ordre et expliqua fort bien les passages déclarés ailleurs inexplicables. Nous le désignerons, à la fin des notes qu'il a rédigées pour cette édition, par les initiales de son nom G. E."

    (Charles Adam, AT X, pp. 211-212).

    "Charles Adam avait publié les Cogitationes privatæ respectant la structure du texte donné par Foucher de Careil, certes en l'amendant fortement, mais sans tenter de distinguer entre les différents ensembles de notes pour se rapprocher de la description de l'inventaire de Stockholm. Celui-ci, de même que la lecture de Baillet (Vie, I, p. 50-51), permet cependant de distinguer des centres d'intérêt et autorise le regroupement des notes scientifiques sous le titre qui les désignait. La question de savoir ce qui était précisément contenu dans le Parnassus est cependant indécidable dans son détail, en raison de l'état des sources et parce que l'on doit reconnaître avec Henri Gouhier que « Leibniz n'a [...] pas suivi l'ordre du registre quand on l'ouvre du côté de la couverture datée » (Les Premières Pensées de Descartes, p. 15 : en effet, les premières remarques transcrites par Leibniz ne relèvent pas des mathématiques, même en prenant le terme au sens le plus large, c'est-à-dire associant mathématiques pures et appliquées. L'éditeur doit écarter les textes qui, visiblement, dépendent des autres ensembles du recueil." (Frédéric de Buzon et André Warusfel, Présentation, O I, 194).

  7. ———. 1619. [Registre de 1619:] Praeambula (Ms. de Leibniz : Cogitationes privatæ).

    AT X, 213-248; B Op. II, 1060-1095; traduction par Michelle Beyssade, O I, 198-220 et 270-274.

    "Les papiers de Descartes, remis par Chanut à son beau-frère Clerselier, et qui n'ont pas été retrouvés, ne nous sont pas connus seulement par les extraits qu'en a donnés Baillet, dans sa Vie du philosophe (voir ci-avant, p. 173-177). Le même Baillet prévient le lecteur que, pour l'aider dans sa tâche, l'abbé Nicaise a pris la peine « d'écrire à Rome, d'où M. Auzout, qui a vu M. Descartes à Paris, et M. Leibnitz, qui a eu communication des originaux chez M. Clerselier, ont envoyé ce que la mémoire a pu leur suggérer sur ce sujet ». (Vie de Monsieur Des-Cartes, 1691, Préface, p. xxvi.) Leibniz fut, en effet, à Paris en 1675 et 1676; curieux de tout ce qui se rapportait au philosophe français, non seulement il obtint communication des papiers qui restaient de lui, mais il en fit copier et en copia lui-même au moins une bonne partie. Ses copies, qui portent des dates en plusieurs endroits (24 février et 1er juin 1676), furent déposées après sa mort, avec bien d'autres manuscrits, à la Bibliothèque Royale de Hanovre, et y demeurèrent longtemps ignorées. Ce fut seulement vers le milieu du xix siècle, que le comte Foucher de Careil, mis sur cette piste par l'indication de Baillet rappelée ci-dessus, et par quelques déclarations de Leibniz lui-même dans sa correspondance, réussit à les découvrir enfin. Il les publia aussitôt, avec quelques autres documents (lettres à Wilhem, Huygens, La Thuillerie, etc.), en deux volumes d'Œuvres inédites de Descartes (Paris, Auguste Durand, in-8, cxvii-158 et xxii-238 pages, 1859-1860)." (AT X, Avertissement, p. 207).

    "Cogitationes privatae est le titre que Foncher de Careil met en tête de ces fragments. L'avait-il trouvé dans le MS. de Leibniz, ou bien est-ce un titre de son invention? Cette dernière hypothèse est la plus vraisemblable. — Le même éditeur ajoute en note : « Leibniz, qui a copié ce manuscrit, nous avertit en marge qu'il l'a découvert et qu'il en a pris copie le 1er juin 1676, c'est-à-dire pendant son séjour à Paris. » — Nous reproduisons, en haut des pages, la pagination de Foucher de Careil : comme il donne en regard du latin une traduction française, les pages du latin n'ont que des numéros pairs, et les autres des numéros impairs." (AT X, Avertissement, p. 213).

  8. ———. 1619. [Registre de 1619:] Experimenta.

    AT X, 189-190; Baillet I, 102-103; B Op. II, 892-895; traduction par Michelle Beyssade, O I, 259-260.

    "Le fragment intitulé Experimenta n'avait que « cinq feuillets et demi » (p. 8 ci-avant, l. 6-7). Peut-être donc l'avons-nous aussi tout entier, dans les deux grandes pages de Baillet, t. I, p. 102-103 ; au moins en avons-nous l'essentiel. Et là encore l'abondance et la précision des détails permettent de croire que le biographe de Descartes a traduit fidèlement, bien qu'on ne puisse jurer qu'il n'a rien ajouté. — Quant à la date, elle se détermine approximativement ainsi. Descartes raconte une aventure de sa traversée, par mer, d'Allemagne en Hollande, exactement, du port d'Embden en West -Frise, peut-être à Amsterdam. Nos idées sur cette première période des voyages du philosophe sont un peu changées depuis la découverte du Journal de Beeckman. Nous savons maintenant qu'en 1619, pour se rendre des Pays-Bas dans la Haute-Allemagne, au lieu de prendre par terre directement, il fit un grand détour par le Danemark, la Pologne, la Hongrie, la Bohême et l'Autriche (ci-avant p. 159, l. 2-6, et p. 162, l. 8-13), et s'embarqua le 29 avril à Amsterdam pour Copenhague. Il craignait que les mouvements de troupes entre les Pays-Bas et la Bavière ne rendissent la route peu sûre. Mais elle ne l'était sans doute pas davantage au retour. Faut-il donc croire que Descartes sera revenu, sinon tout à fait par le même chemin, au moins par la Silésie, le Brandebourg, le Mecklembourg, qui est l'itinéraire que Baillet lui fait suivre, enfin Hambourg et Embden ? Enfin, comme nous savons, par une lettre de lui, que, le 3 avril 1622, il était à Rennes (t. I, p. 1), son retour en France a dû s'effectuer l'automne de 1621, et c'est alors sans doute qu'eut lieu l'aventure, dont le récit fait le principal si non l'unique objet des Expérimenta." (AT X, 175-176).

  9. ———. 1619. [Registre de 1619:] Democritica.

    "On sait que Democritica est le titre de « 7 ou 8 lignes » contenues dans le fameux petit registre en parchemin ouvert en 1619 et coté C dans l’inventaire de Chanut (1), contenant également le Parnassus, les Experimenta et les Praeambula. Rien n’est connu de ce texte, en particulier on ignore s’il s'agit de notes de lecture ; Democritica semble signifier, par analogie avec d’autres auteurs, des opinions inspirées de Démocrite (2), et rien chez Beeckman n’indique à l’époque une lecture de la doxographie démocritéenne. Peut-être alors faudrait-il revenir sur la composition du mot et donc sa signification : Demo-critica ?" (p. 41, Frédéreic de Buzon, "Democritica: la réfutation cartésienne de l'atomisme", dans: Jean Salem (éd.), J.Salem (ed.) L'atomisme aux XVIIème et XVIIIème siècles, Paris: Publications de la Sorbonne, 1999, pp. 27-41)

    (1) A.T., X, 8.

    (2) Democritici signifie, chez Leibniz notamment, les auteurs s’inspirant de Démocrite. — Voir en partic., le fragment Corpus non est substantia qui s'applique parfaitement à Descartes (pour la seule première phrase !) : Intelligo autem per corpus non id quod Scholastici ex materia et forma quadam intelligibili componunt sed quod molem alias Democritici vocant. Hoc ajo non esse substantiam. («J'entends par corps non ce que les scolastiques composent à partir de la matière et d'une forme intelligible, mais ce qu'autrement les Democritici nomment masse. Je dis que ce n'est pas une substance»); in Leibniz (G. W. F.), Nouvelles Lettres et opuscules inédits, éd. Foucher de Careil, Paris, 18S7 (réimpression: Hildesheim, 1971), p. 171. —Voir aussi les notes sur Cudworth (VE 406 p. 1887).

    Selon J. Sirven "La seule hypothèse plausible est donc, que l'allusion au songe de 1619 nous donne tout ce que nous connaissons des Democritica, tandis que les autres morceaux d'allure psychologique se rattachent à des préoccupations scientifiques. On s’explique sans peine, alors, que Leibniz ait transcrit d'abord la phrase relative à l’année 1620, qui se trouvait dans les Expérimenta (2), puis nous ait donné une ou deux lignes des Democritica et enfin deux fragments de la section qu'il rencontrait en continuant ses extraits. Mais, quand il passa aux Olympica, il trouva en marge la réflexion signalée par Baillet, « écrite d'une ancre plus récente, mais toujours de la même main de l'auteur ». Se souvenant alors qu'il venait d'écrire une phrase à peu près identique tirée des Experimenta, il se contenta d'ajouter lui-même en marge de sa copie : « Olympica. X. nov. coepi intelligere fundamentum inventi mirabilis (3). »"

    (2) La place de cette réflexion dans les Experimenta coïncide très bien avec l'hypothèse faite par Milhaud sur la nature de la découverte du 11 nov. 1620, dont nous parlerons plus loin.

    (3) Leibniz a transcrit : X Nov., tandis que Baillet donne la date du : XI Nov. Est-ce une faute de Baillet, de Leibniz, ou plus probablement de Foucher de Careil ? Le manuscrit de Leibniz ne se trouvant plus à Hanovre, on ne saurait le dire.

    Les annéues d'apprentissage de Descartes (1596-1628) Albi: Imprimerie cooperative du Sud-Ouest 1928, p. 68.

    Selon cette hypothèse les sept ou huit lignes des Democritica sont identifiées avec le texte de AT X, 216 l. 19-25.

  10. ———. 1619. Olympica (Extraits de Baillet).

    Première édition: Baillet I, 50-61 / 80-86 / 120; AT X, 179-188; B Op. II, 879-891; CO, 99-108; traduction par Michelle Beyssade, O I, 252-259.

    Fernand Hallyn, dans Les Olympiques de Descartes, Genève: Droz, 1995, donne trois textes: I. Le premier récit de Baillet, (I, pp. 80-86), II. Le deuxième récit de Baillet, (Abrégé, pp. 37-39), III. Cogitationes privatae. Pensées pour moi-même, (Foucher de Careil, I, 10-12) : "On ne reprend ici que ceux qui faisaient partie des Olympica selon l'hypothèse d'Henri Gouhier (Les premières pensées de Descartes, Paris, Vrin, 1958 et 1979)." p. 41.

    Ce texte contient le récit de trois songes de Descartes la nuit du 10 au 11 novembre 1619 : "s'étant couche tout rempli de son enthousiasme, et tout occupé de la pensée d'avoir trouvé ce jour-là les fondements de la science admirable". (Baillet I, p. 80).

    "Les « Songes » de Descartes

    Le texte se trouve dans la biographie de Baillet qui le tire des Olympica. Plus exactement, Baillet en donne une traduction paraphrasée avec quelques citations de l'original latin. Il s'agit du morceau qui ouvre le « discours » écrit sous le titre Olympica sur le « petit registre en parchemin ». Les pages qui nous le font connaître laissent supposer un récit bien conduit et rédigé avec un certain souci littéraire, non une suite de notes hâtivement griffonnées.

    Baillet ouvre donc le cahier de Descartes et écrit : « Il nous apprend que le dixième de Novembre mil six cent dix-neuf, s'étant couché tout rempli de son enthousiasme, et tout occupé de la pensée d'avoir trouvé ce jour-là les fondements de la science admirable, il eut trois songes consécutifs en une seule nuit, qu'il s'imagina ne pouvoir être venus que d'en hauts (80). » (Gouhier, op. cit., pp. 32-33).

    (80) Baillet, t. I, p. 81; AT t. X, p. 181. Remarquons que « ce jour là » semble ajouté par Baillet qui traduit le texte latin donné plus haut, p. 32.

    "Les historiens de Descartes parlent comme s'il n'y avait qu'un seul texte sur les rêves de novembre 1619 : le récit des Olympica tel que Baillet nous l'a transmis (86). Or il y en a deux. Ceci résulte de la comparaison entre un fragment lu dans la copie de Leibniz et les passages des Olympica qu'il rappelle.

    Voici le fragment tel que Foucher de Careil l'a présenté (87) :

    Anno 1620, intelligere coepi fundamentum inventi mirabilis.*

    Somnium 1619, nov. in quo carmen 7 cujus initium:

    Quod vitae sectabor iter?...

    Auson

    *[En marge :] Olympica, X nov. coepi intelligere fundamentum inventi mirabilis.

    Ce fragment ne vient pas des Olympica.

    1° La première ligne avec sa note rappelle évidemment le début des Olympica :

    X novembris 1619, cum plenus forem enthousiasmo, et mirabilis scientiae fundamenta reperirem (88)... Baillet nous dit qu'en marge, « d'une encre plus récente, mais toujours de la même main de l'Auteur », on lisait: XI Novembris 1620, coepi intelligere fundamentum inventi mirabilis (89).

    La première ligne du fragment n'est pas exactement semblable à celle que Baillet a lue dans la marge des Olympica et qu'il déclare être de la main de Descartes. C'est même pourquoi quelqu'un a transcrit en face la phrase lue dans les Olympica, substituant involontairement X à XI: est-ce Descartes? ne serait-ce pas plutôt Leibniz? Peu importe : que ce soit l'un ou l'autre, le fragment est tiré d'une page du petit registre qui n'est pas celle où commence le récit des songes.

    2° La seconde ligne rappelle l'épisode final du troisième songe : là aussi le rêveur lit le vers d'Ausone. Mais, dans notre fragment, il s'agit d'une simple note sans verbe : « Songe, nov. 1619, là, poème 7 qui commence : Quel chemin de la vie suivrai-je ? Auson. » Ces lignes n'ont pu être découpées dans le récit visiblement rédigé que suit Baillet, même en tenant compte des enjolivements.

    Le vers du poète latin, d'ailleurs, n'apparaît lié à une date dans aucun des trois passages où le traducteur le cite ; la première fois, le rêveur « tombe » sur lui en ouvrant au hasard un corpus poetarum, la seconde, il essaie vainement de le retrouver dans le même recueil; la troisième, il y reconnaît un « bon conseil » (90). On ne voit vraiment pas comment l'un de ces morceaux pourrait bien être le contexte du fragment.

    Le fragment ne vient pas des Olympica. D'où vient-il ?

    La série B du registre est faite de trois groupes de textes sous les rubriques : Praeambula, Experimenta, Olympica. Ces lignes se trouvent sur la copie avant le premier fragment incontestablement extrait des Olympica, mais séparées de celui-ci par deux autres « pensées ». Si, comme c'est vraisemblable, Leibniz suit l'ordre du registre, cette situation porte à croire qu'elles viennent des Experimenta.

    (...)

    Ce fragment serait-il donc une note sur un cas d'experimentum ?

    Il y a tout lieu de croire que ces deux courts alinéas constituaient un tout sur le petit registre comme sur la copie de Leibniz telle que nous la connaissons par Foucher de Careil. Il s'agit donc d'une note qui rapproche deux faits et c'est le rapprochement de ces deux faits qui est l'objet même de la note.

    (...)

    La note sur le rêve des Experimenta n'est pas un morceau de fable : elle rappelle deux faits et l'un de ces faits est un songe de la nuit du 10 au 11 novembre 1619.

    Tout n'est donc pas fictif dans le récit des Olympica.

    A la fin du troisième rêve, selon le récit, Descartes se réveille en train d'interpréter le vers : Quod vitae sectabor iter? Souvenir immédiat qui effleure la conscience et dont elle part pour rappeler ce qui le précède, c'est, dans le rêve reconstruit, le morceau le plus pur du rêve rêvé. Or, d'après la note des Experimenta, c'est là aussi le souvenir d'un rêve réellement rêvé dans la nuit du 10 au 11 novembre 1619.

    Tout le reste du récit serait-il une fable, cela n'empêcherait pas qu'un fragment de vrai rêve ne se trouve au centre, à l'instant où, en droit, tout aboutit et d'où, en fait, tout part dans le déroulement des pseudo-rêves." (Gouhier, op. cit., pp. 40-41).

    (86) Sauf Sirven, Les Années d'apprentissage de Descartes (1596-1628), Paris, Vrin, 1928 p. 65 sq.; mais sa restitution du petit registre est tout à fait différente de celle qui a été proposée ici, de sorte que nos interprétations sont divergentes.

    (87) Cogitationes privatae, AT t. X, p. 216 ; Foucher de Careil, t. I, p. 8.

    (88) Baillet, t. 1, p. 50 (AT t. X, p. 179) et p. 81 (AT t. X, p. 181).

    (89) Ibidem, t. I, p. 51 (AT t. X, p. 179) ; sur ce texte, voir plus loin, ch. IV, p. 74.

    (90) Baillet, t. I, p. 83 et 84 (AT t. X, p. 184).

  11. ———. 1619 (automne) - 1623 (printemps). Studium Bonae Mentis (Extraits de Baillet).

    Première édition: Baillet II 406; Baillet I 26 / 34 / 87-91 / 109-110; II 66 / 477 / 479 / 486-487 / 531 / 545; AT X, 191-204; B Op. II, 897-915; traduction par Michelle Beyssade, O I, 260-268; CO, 127-140 (l'édition la plus complète).

    "Un autre ouvrage latin que M. Descartes avait poussé loin, et dont il nous reste un ample fragment est celui de l'Étude du bon sens, ou de l'Art de bien comprendre, qu’il avait intitulé Studium bonae Mentis. Ce sont des considérations sur le désir que nous avons de savoir, sur les sciences, sur les dispositions de l’esprit pour apprendre, sur l’ordre qu’on doit garder pour acquérir la sagesse, c’est-à-dire la science avec la vertu, en joignant les fonctions de la volonté avec celles de l'entendement. Son dessein était de frayer un chemin tout nouveau ; mais il prétendait ne travailler que pour lui-même, et pour l’ami à qui il adressait son traité sous le nom de Museus, que les uns ont pris pour le sieur Is. Beeckman principal du collège de Dordrecht, d’autres pour M. Mydorge ou pour le P. Mersenne."

    Baillet VII, chapitre 20, p. 406.

    "On peut interpréter d'abord ce terme au sens général d'entreprise, ou d'œuvre, et non au sens d'un ouvrage littéraire ou philosophique particulier. Mais il semble bien que Descartes ait conçu dès ce moment le projet de consigner le fruit de ses réflexions dans un livre et de le publier. En tout cas, il s'est promis à lui-même, quelques mois plus tard, d'achever un livre avant Pâques 1620 et de l'éditer : « Omnino autem ante Pascha absolvam tractatum meum, et si librariorum mihi sit copia dignusque videatur, emittam, ut hodie promisi, 1620, die 23 Febr. » (*) Cogit. privatae, t. X, p. 218, 1. 3-5.

    On ignore ce que peut avoir été ce traité, mais rien ne s'opposerait à ce que ce fût le Studium bonae mentis (t. X, p. 191-203), dont ce que nous savons correspond exactement aux préoccupations méthodologiques et morales de Descartes à cette époque : Ce sont des considérations sur le désir que nous avons de savoir, sur les sciences, sur les dispositions de l'esprit pour apprendre, sur l'ordre qu'on doit garder pour acquérir la sagesse, c'est-à-dire la science avec la vertu, en joignant les fonctions de la volonté avec celles de l'entendement. Son dessein était de frayer un chemin tout nouveau ; mais il prétendait ne travailler que pour lui-même et pour l'ami à qui il adressait son traité sous le nom de Museus, que les uns ont pris pour le sieur J. Beeckman, principal du collège de Dordrecht, d'autres pour M. Mydorge ou pour le P. Mersenne (A. Baillet, t. II, p. 406 ; AT X, p. 191). Ces identifications de personnages sont purement conjecturales et il n'y a pas à en tenir compte, d'autant moins que Museus pourrait fort bien n'avoir été qu'un interlocuteur imaginaire ; mais tout le reste s'accorde avec l'élaboration de la méthode et de la morale provisoire que Descartes situe entre novembre 1619 et mars ou avril 1620."

    Gilson, Discours de la méthode. Texte et Commentaire, Paris: Vrin, 1925 (deuxième édition revue 1926), p. 181 (note a AT VI, p. 17, l. 8 ".. l'ouvrage..." [O III, 92]).

    (*) J'ajoute la traduction et les notes de Fernand Hallyn : "D'autre part, je terminerai complètement mon traité avant Pâques, et si j'ai matière à livres (1) et si le traité en paraît digne, je le publierai, comme je l'ai promis aujourd'hui, le 23 septembre (2) 1620".

    (1) Leçon de Foucher de Careil (« librorum »). AT corrige en « librariorum » en se fondant sur la version de Baillet (« libraires »). Gouhier, La pensée religieuse de Descartes, Paris: Vrin 1979, p. 105 (première édition 1924) traduit par « copistes ». Aucune des traductions proposées jusqu'à présent (« livres », au sens courant, pour « librorum », « libraires » ou « copistes » pour « librariorum ») n'est vraiment satisfaisante dans le contexte. Je propose de maintenir « librorum », mais de comprendre le mot au sens de « parties d'un ouvrage », les « livres » dont devrait se composer le traité projeté.

    (2) « Février » chez Baillet. Cf. l'introduction (p. 25), où est adoptée la leçon de Baillet mais aussi, ici-même, la contribution de G. Rodis-Lewis, qui maintient « septembre ».

    "« La vraie philosophie dépend de l'entendement. » Le Studium ne institue pas seulement, comme Étienne Gilson l'avait remarqué, un petit traité De la philosophie; il est le premier traité de philosophie de Descartes, ouvrant la voie au traité de « vraie philosophie » que seront les Regulae ad directionem ingenii. Libérant ce champ inédit pour Descartes est la philosophie, le Studium bonae mentis s'avère donc être un texte décisif, en dépit de son inachèvement et de son démembrement — décisif dans son échec même. C'est pourquoi il constitue la pierre de touche la présente édition. C'est un texte difficile aussi, puisque seules les Regulae délivrent pleinement le sens de cet échec : à ce titre, le Studium et les Regulae constituent véritablement un tout indissociable. En charge de li présenter et de l'exploiter tant qu'il restait inédit, Baillet aura baissé les bras, alors même que l'intelligence du Studium lui eût ouvert de tout autres perspectives sur le jeune Descartes. Nous osons espérer que les propositions avancées ici pour en restituer le projet parviendront à esquisser la figure d'un Descartes devenant philosophe.

    Observons cependant d'emblée que l'ordre et les objets des considérations qui suivent sont encore manifestement d'origine aristotélicienne. Descartes commence en philosophie en répétant à sa manière le livre A de la Métaphysique, c'est-à-dire en faisant un De philosophia — ce qu'Étienne Gilson avait vu, moyennant un rapprochement avec la Lettre-préface aux Principes (AT IX-2, 2-8 et 4, 23): Baillet «aurait dû traduire [Studium Bonae mentis] par: Étude de la sagesse, ou même, plus simplement, De la philosophie » Commentaire, p. 82, selon AT IX-2, 3 qui reprend en français l'Epistola dedicatoria des Principia, AT VIII-1, 4, 24, studium sapientiae), suivi à juste titre par Jacques Sirven : «Il y avait là [sc. dans les considérations sur le désir que nous avons de savoir du Studium] comme un ressouvenir du premier livre des Métaphysiques d'Aristote » (Les Années d'apprentissage de Descartes (1596-1628), Albi: 1928 p. 293). Il ne sera donc pas étonnant que peu après Descartes écrive sa propre Peri tès alètheias theoria, De veritate quidem theoria (Aristotle, Métaphysique α 1993 a 30), protreptique qui deviendra recherche de la vérité, veritatis inquisitio. Dans la mesure où la Lettre-préface obéit à une terminologie scolaire, conformément au genre du manuel, on peut considérer qu'elle reprend le projet du Studium comme commencement de la philosophie — à quelque vingt-cinq ans de distance, ces deux textes se répondent silencieusement : c'est pourquoi le livre A y est présent, quoique différemment." Vincent Carraud, note 2 à l'Étude du bon sens, dans CO, p. 141.

    Dans une lettre à Beeckman du 26 mars 1619 Descartes expose son projet :

    "Je suis arrivé ici [à Bréda] il y a six jours, et je me suis remis au culte des Muses avec plus de zèle que jamais. J'ai établi en ce court laps de temps, à l'aide de mes compas (2), quatre démonstrations remarquables et tout à fait neuves.

    (...)

    C'est autre chose que je cherche maintenant pour l'extraction des racines d'une somme (de plusieurs quantités incommensurables entre elles); si j'y parviens, comme je l'espère, je mettrai bien en ordre toute cette science, à condition de vaincre mon indolence et si le destin m'en donne le loisir.

    Pour ne rien vous cacher de ce que j'entreprends, je voudrais donner au public non pas un Ars brevis comme Lulle (7), mais une science toute nouvelle (8), par laquelle on puisse résoudre tous les problèmes possibles, en n'importe quel genre de quantité, continue or discontinue."

    (...)

    C'est une entreprise infinie, et qui dépasse un seul homme, projet incroyablement ambitieux mais j'entrevois un je-ne-sais-quoi de lumineux dans l’obscur chaos de cette science et je pense pouvoir par ce moyen dissiper les ténèbres les plus épaisses."

    (AT X, 156-158, O VII, 2, 321-322; B 2).

    (2) Les compas sont ceux que Descartes décrira dans la Géométrie II et III (AT VI 391 et 443 [O III, 430 et 471]).

    (7) R. Lull, Artificium sive Ars brevis ad absolvendam omnium artium encyclopœdiam, ou encore Ars brevis, quae est imago Artis generalis, écrit en 1308, imprimé à Barcelone, 1481, souvent réimprimé ensuite (voir sa mention dans Beeckman = AT X 63-65).

    (8) Note en marge : « méthode générale [ars generalis] pour résoudre toutes les questions » (Beeckman IV 59, n. 7).

  12. ———. 1619-20 ou 1623?-1625 - hiver 1627-28. Regulae ad directionem ingenii.

    Rédaction initiée en Allemande en 1619-1620 où à Paris en 1623, interrompue et reprise en France en 1626-1628 et jamais complétée.

    AT X 359-469; B Op. II, 684-815; traduction et notes par Jean-Marie Beyssade et Michelle Beyssade, avec la collaboration de Frédéric Buzon et Denis Kambouchner, O I, 324-497.

    Une copie (non autographe) du texte latin avec les seize premières Règles (*), a étée découverte à la Cambridge University Library en 2011 par Richard Serjeantson, qui en prépare une édition.

    (*) manque la deuxième partie de la Règle IV [sur la mathesis universalis].

    Je donne en parenthèse les abréviations communément utilisées pour les manuscrits et les éditions anciennes.

    (N) = Première publication : Jan Hendrik Glazemaker (1620-1682) traduit le manuscrit latin en néerlandais vers le 1680 ; la traduction fut publiée à Amsterdam en 1684, avec le titre R. Des Cartes Regulen van de bestieringe des verstants.

    (A) = La première édition du texte latin fut publiée en 1701 in R. Des-Cartes Opuscula posthuma, physica et mathematica, Amsterdam : P. & J. Blaeu ; l'édition Adam-Tannery ne tient pas compte de la traduction néerlandaise.

    (O) = Le manuscrit original est perdu.

    (H) = Nous avons une copie de l'original (manuscrit de Hanovre : première édition par Charles Adam, "Ren. Cartesii Regulae de inquirenda veritate", Revue Bourguignonne de l'Enseignement Supérieur, 11, 1901, pp. 1-89) fait en 1678 et acheté par Leibniz.

    (L) = Cette copie contient de nombreuses erreurs et Leibniz l'a corrigée.

    (R) = Une autre copie faite vers 1680 et qui appartenait à Johannes de Raey (1622-1701), probablement utilisée pour les premières éditions, est aujourd'hui perdue.

    Éditions critiques des Regulae:

    Regulae ad directionem ingenii, Texte critique établi par Giovanni Crapulli avec la version hollandaise du XVIIème siècle, La Haye: Martinus Nijhoff, 1966.

    Regulae ad directionem ingenii, Kritisch revidiert und herausgegeben von Heinrich Springmeyer, Lüder Gäbe und Hans Günter Zekl, Hamburg: Meiner, 1973.

    Regulae ad directionem ingenii. Cogitationes privatae, Übersetzt und herausgegeben von Christian Wohlers, Hamburg Felix Meiner, 2011.

    Traductions:

    Règles pour la direction de l'esprit, Traduction et notes par Joseph Sirven, Paris: Vrin, 1945.

    Règles pour la direction de l'esprit, Traduction et notes par Jacques Brunschwig. Préface, dossier et glossaire par Kim Sang Ong-Van-Cung, Paris: Le Livre de Poche, 2002 (première édition de la traduction dans F. Alquié (éd.), René Descartes, Œuvres philosophiques, Paris: Garnier, I, 1963, pp. 67-204).

    Règles utiles et claires pour la direction de l'esprit en la recherche de la vérité, Traduction selon le lexique cartésien, et annotation conceptuelle par Jean-Luc Marion. Avec des notes mathématiques de Pierre Costabel, La Haye: Martinus Nijhoff, 1977.

    La première mention se trouve dans l'Inventaire de Stockholm des écrits de Descartes à la lettre F: "Neuf cahiers reliés ensemble, contentant partie d'un traité des règles utiles et claires pour la direction de l'Esprit en la recherche de la Vérité". (AT X, p. 9).

    "En plusieurs endroits de sa Vie de Monsieur Des-Cartes (1691), Baillet donne une traduction française de passages des Regulae. Le texte latin qu'il avait sous les yeux n'était pas celui que nous avons publié, et qui se trouvait en Hollande et ne fut imprimé qu'en 1701, mais le texte original, qui venait de Clerselier, et qui a disparu depuis lors. La traduction de Baillet n'en est que plus précieuse, puisqu'elle atteste à la fois l'existence de ce texte primitif et sa conformité avec la copie qui nous en a été conservée.

    « ...M. Clerselier... s'est trouvé le possesseur unique de tout ce que M. Descartes avait jamais écrit, tant de ce qui était fini que de ce qui n'était que commencé. Mais, après une recherche exacte qui s'est faite de cette Logique prétendue parmi ses papiers, il ne s'est rien trouvé... qui puisse passer pour Logique, si l'on en excepte ses Règles pour la direction de l'esprit dans la recherche de la vérité (en marge: C'est un manuscrit latin, non achevé, qui est entre nos mains), qui peuvent servir de modèle pour une excellente Logique, et qui font sans doute une portion considérable de sa Méthode, dont ce que nous avons d'imprimé à la tête de ses Essais, ne fait qu'une petite partie. »

    (Baillet I, p. 282.)

    « Parmi ceux (les de M. Descartes) que les soins de M. Chanut ont fait échoir à M. Clerselier, il n'y en a point de plus considérable ni peut-être de plus achevé, que le traité latin qui contient des Règles pour conduire nôtre esprit dans la recherche de la vérité. C'est celui des manuscrits de M. Descartes, à l'impression desquels il semble que le Public ait le plus d'intérêt. On est déjà prévenu sur sa valeur et son prix par la lecture que M. Clerselier en a communiquée à quelques curieux, et par le témoignage que le célèbre Auteur de l'Art de penser (en marge : Part. 4, chap. 2) a rendu du bon usage qu'on en peut faire. »

    (AT X, 477).

    Clerselier a montré le manuscrit aux auteurs de la Logique de Port Royal qui l'ont utilisé pour la deuxième édition : "La Logique de Port-Royal contient un long passage, qui correspond à une partie des Règles XIII et XIV. Comme nous l'avons expliqué dans l'Avertissement (p. 351-2), ce passage a pour nous la valeur d'un témoin : il atteste l'existence d'un texte original, que nous n'avons plus, mais que Clerselier avait encore et qu'il a communiqué à Arnauld pour le traduire. On chercherait d'ailleurs en vain cette traduction dans la première édition : La Logique ou L'Art de penser contenant, outres les règles communes, plusieurs observations nouvelles propres à former le jugement. (A Paris, chez Jean de Launay, sous le Porche des Escoles de Sorbonne, M,DC.LXII. In-12, pp. 473, plus 5 p. Extrait du Privilège, 1er Avril 1662: Permis au sieur Le Bon... Achevé d'imprimer, 6 juillet 1662.) Le passage qui nous intéresse n'apparaît que dans la seconde édition : La Logique ou L'Art de penser: contenant etc. (comme précédemment). Seconde édition, revue et augmentée. (A Paris, chez Charles Savreux, au pied de la Tour de Nostre Dame, à l'enseigne des Trois Vertus, M.DC.LXIV.) C'est aussi un in-12; le passage en question s'y trouve, p. 391-397, avec cette note: « La plus grande partie de ce que l'on dit ici des questions, a été tirée d'un manuscrit de M. Descartes, que M. Clerselier a eu la bonté de prester. » Cette note et le passage visé se retrouvent dans toutes les éditions postérieures de la Logique de Port-Royal, à partir de la deuxième, Partie IV, chapitre II." (AT X 470).

    Voir l'édition critique : Antoine Arnauld et Pierre Nicole, La logique ou l’art de penser (dite Logique de Port-Royal), édité par Dominique Descotes, Paris: Champion, 2011.

    "Le passage suivant du P. Poisson atteste aussi l'existence d'un texte des Regulae, autre que celui que nous avons donné ; et cet autre texte était l'original, tandis que le nôtre n'est qu'une copie.

    Observation sur la troisième règle de la Méthode de Descartes : Conduire par ordre mes pensées, etc. (Tome VI de la présente édition, p. 18, l.27) :

    «... j'ay rencontré dans un Manuscrit, qu'il avait commencé dés les premières années qu'il s'appliqua sérieusement à l'étude, que pour venir à bout de toutes les difficultés qu'on propose, il faut:

    1, les connaître distinctement chacune en particulier ;

    2, les dépouiller de tout ce qui ne leur est point essentiel dans le sens auquel on les considère ;

    3, les réduire et les diviser en petites parties ;

    4, examiner avec attention chacune de ces parties, commençant par les plus simples ;

    5, il faut rapporter toutes ces parties, en les comparant les unes aux autres.

    Voilà à quoi aboutit toute la finesse des méthodes qu'on a trouvées et qu'on trouvera jamais. Elle est également nécessaire dans la Physique et dans la Géométrie. L'article de ces règles le plus difficile à mettre en pratique, c'est ce dernier : tant parce qu'on ne connait pas assez les termes qu'on doit comparer, qu'à cause qu'on a besoin d'un Moyen, qu'on appelle Medium dans l'École, qui n'est pas aisé à trouver. »

    (Commentaire ou Remarques sur la Méthode de René Descartes, par L. P. N. I. P. P. D. L., à Vendôme, M.DC.LXX. Partie II, 6e observation, p. 76.)

    (AT X, 476).

    En 1676 Leibniz rencontrait Clerselier : "J'ai été aujourd'hui avec Mons. de Tschirnhaus, pour lui donner la connaissance de Mons. Clerselier, et pour lui faire voir les relies de Mons. des Cartes.

    Il nous montra un discours de Mons. des Cartes de la recherche de la vérité; il y avait environ 22 règles expliquées e illustrées. En Latin." (AT X, 208).

    Leibniz et Ehrenfried Tschirnhaus (1651-1708) transcrivirent tous les deux des manuscrits : "en particulier Tschirnhaus qui entre 1676 et 1682 en fit parvenir des copies en Hollande à des amis qui appartenaient au cercle spinoziste, et à Hanovre à Leibniz qui avait quitté Paris en novembre 1676. Durant cette période, le projet d'une édition des mss. à dû mûrir chez les deux amis sous l'impulsion ou du moins avec les encouragements de Clerselier. Nous suivons la trace de ce projet, qui en définitive n'aboutit pas, d'abord à Paris, puis à Amsterdam. Ce dont nous sommes en tout cas certains c'est que Leibniz s'est trouvé dès novembre 1676 en possession d'une copie des Regulae et que Tschirnhaus dès 1678 montre qu'il a pris connaissance directement du texte.

    (...)

    A partir des premières années du XVIIIe siècle nous ne possédons plus de renseignements au sujet des mss. cartésiens, passés des mains de Legrand à celles de Marmion, professeur de philosophie au Collège des Grassins, et nous perdons par conséquent la trace du ms. original des Regulae." (Giovanni Crapulli, Introduction à l'édition critique, René Descartes, Regulae ad directionem ingenii, La Haye: Martinus Nijhoff, 1966, p. XIII)

  13. ———. 1619-20. De Solidorum Elementis (Ms. de Leibniz).

    Le texte originel de Descartes "Environ seize feuillets in octavo sous ce titre : Progymnasmata de solidorum elementis" (Inventaire succinct des écrits, lettre M, AT X 10), est perdu, mais nous possédons la copie faite par Leibniz à Paris en 1672-1676 et publiée pour la première fois par Foucher de Careil, vol. II, pp. 214-226.

    AT X 265-276; Additions in AT XI 690-692; nouvelle édition par Pierre Costabel dans la Nouvelle présentation de AT (1966) X 276 et 687-689; B Op. II, 1224-1237; traduction par André Warusfel, O I, 221-231.

    Nouvelle édition avec traduction en anglais par Pasquale Joseph Federico, Descartes on Polyhedra. A Study of the De Solidorum elementis, New York, Springer, 1982.

    Édition critique, avec introduction, traduction, notes et commentaires par Pierre Costabel, René Descartes. Exercices pour les éléments des solides. Essai en complément d'Euclide. Progymnasmata de solidorum elementis, Paris, Presses Universitaires de France, 1987.

    "Le présent ouvrage est le résultat d'une longue histoire.

    Le manuscrit mathématique de Descartes qui est ici l'objet d'une restitution a eu un sort tourmenté. Conservé dans les papiers de l'auteur pendant plus d'un demi-siècle, il a disparu peu de temps après avoir eu la chance d'être lu par Leibniz à Paris. Mais la transcription effectuée par ce lecteur exceptionnel a connu le silence des pièces d'archives jusqu'au milieu du XIXe siècle, et elle n'est sortie de l'ombre que pour tomber entre les mains de lecteurs plus avertis de la mathématique de leur temps que des précautions à prendre avec des textes anciens. Elle a ainsi davantage retenu l'attention par les suggestions qu'elle paraissait fournir à un moment de l'évolution de la pensée mathématique, moment caractérisé par la prise de conscience de l'importance de l'analyse de la situation (Analysis situs), et si elle a joué un rôle dans les réflexions consécutives, elle n'a pas tardé, au début du siècle actuel, à être objet de graves réserves, réserves dont la pointe acérée n'a cessé de se préciser. Manque de rigueur, absence de point de vue authentiquement topologique, les raisons de renvoyer ce texte au silence sont aujourd'hui pressantes aux yeux de quelques-uns.

    L 'effort de restitution du texte lui-même, qui a été entrepris vers 1894 et réalisé en 1908 avec le tome X de la grande édition des Œuvres de Descartes par Charles Adam et Paul Tannery, est donc survenu dans une ambiance peu favorable à sa consistance propre et à sa réception. Affaire d'érudition cartésienne il est apparu dès le début, et il l'est resté jusqu'à la récente mise à tour de l'édition susdite en 1966.

    Principal acteur de cette mise à jour, dans les limites de notes correctrices à apporter à la première édition, le présent éditeur savait dès cette époque qu'il y avait lieu de procéder à une prise en charge réellement convenable et il en a fixé les traits à l'occasion de divers articles tout en préparant l'édition nouvelle, séparée, délivrée des conditions restrictives imposées par l'insertion dans des Œuvres complètes monumentales. Il y a près de dix ans que cette édition était prête, mais publier était une autre affaire que d'établir la matière de la publication. Il fallut trouver un éditeur au sens ordinaire et français du terme." (Pierre Costabel, René Descartes. Exercices pour les éléments des solides, Avertissement, pp. V-VI).

  14. ———. 1628. Censura quarundam epistolarum Domini Balzacii.

    AT I, 7-11; CO, 194-202, traduction du XVIIe siècle, pp. 195-203; B 14; traduction par Michelle Beyssade et Denis Kambouchner, O I, 285-289; O VIII 2 345-349 (traduction du XVIIe siècle).

    Première édition : Claude Clerselier (éd.), Lettres de mr. Descartes, Paris, Charles Angot, vol. I, 1657, lettre C (février-mars 1628), pp. 462-471.

    1628 est la datation proposée par Clerselier; Balzac en remercia Descartes le 30 mars 1628.

    Pour les Lettres de Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654), Paris, 1624 (réédition : Les premières lettres de Guez de Balzac, voir l'édition critique précédée d'une introduction par H. Bibas et K.-T. Butler, Paris: Droz 1933-34, 2 volumes).

    La Censura (ou Jugement de quelques Lettres de Balzac) de Descartes est aussi publiée dans Guez de Balzac, Socrate chrétien [1652], édition critique de Jean Jehasse, Paris: Champion, 2008, avec une nouvelle traduction, pp. 243-249.

  15. ———. 1628. [De la Divinité].

    CO pp. 214-216; ce texte n'a pas été retrouvé.

    "Ce fut durant cet été [1628] qu'il voulut écrire De la Divinité, voyez ci-après au livre III, chap. Ier." (Baillet I, 153, en marge).

    "C'était la chaleur du climat de son pays qu'il ne trouvait point favorable à son tempérament par rapport à la liberté de son esprit, dont la jouissance ne pouvait être quelque trouble, lorsqu'il était question de concevoir des vérités, où l'imagination ne devait point se mêler. Il s'était aperçu que l'air de Paris était mêlé pour lui d'une apparence de poison très subtil et très dangereux ; qu'il le disposait insensiblement à la vanité; et qu'il ne lui faisait produire que des chimères. C'est ce qu'il avait particulièrement éprouvé au mois de juin de l'année 1628, lorsque, s'étant retiré de chez M. Le Vasseur pour étudier loin des compagnies, il entreprit de composer quelque chose sur la divinité. Son travail ne put lui réussir faute d'avoir eu les sens assez rassis ; outre n'était peut-être pas d'ailleurs assez purifié ni assez exercé pour pouvoir traiter un sujet si sublime avec solidité." (Baillet I, 171).

  16. ———. 1628? [De deo Socratis].

    CO, pp. 173-179; ce texte n'a pas été retrouvé.

    « L'on nous parle encore d'un autre traité de M. Descartes, intitulé De Deo Socratis, où il examinait ce que pouvait être cet esprit familier de Socrate, qui fait le sujet de l'entretien des curieux depuis tant de siècles. Mais il parait que c'était un bien déjà aliéné, lorsque son Auteur fit le voyage de Suède. Aussi ne se trouva-t-il point parmi les autres dans l'Inventaire que l'on fit de ses écrits après sa mort. Comme il est tombé en d'autres mains que celles de M. Clerselier, nous ne pourrons contribuer à sa publication que par des prières, pour porter ceux qui en sont devenus les maîtres à lui procurer le jour. Voici par avance ce que M. Descartes pensait de cet esprit familier de Socrate, et ce qu'il en mandait à la princesse Palatine sa disciple : « Et ce qu'on nomme communément le génie de Socrate, n'a sans doute été autre chose, sinon qu'il avait accoutumé de suivre ses inclinations intérieures, et qu'il croyait que l'événement de ce qu'il entreprenait serait heureux, lorsqu'il avait quelque secret sentiment de gaieté, et au contraire qu'il serait malheureux lorsqu'il était triste. Il faut avouer néanmoins qu'il y aurait de la superstition à s'attacher à cette opinion autant qu'on dit qu'il y était attaché. Car Platon rapporte de lui qu'il demeurait même au logis toutes les que son génie ne lui conseillait pas d'en sortir. Mais touchant les actions importantes de la vie, lorsqu'elles se trouvent si douteuses que la prudence ne peut enseigner ce qu'on doit faire, il me semble qu'on a grande raison de suivre les conseils de son génie; et qu'il est utile d'avoir une forte persuasion que les choses que nous entreprenons sans répugnance et avec la liberté qui accompagne d'ordinaire la joie ne manqueront pas de nous bien réussir. » (Baillet II, 408: lettre à Elisabeth du novembre 1646, AT IV, 530; O VIII 2, 270; B 578).