Theory and History of Ontology (www.ontology.co)by Raul Corazzon | e-mail: rc@ontology.co

Platon, Le Sophiste. Bibliographie des études en Français (A - L)

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The Philosophy of Plato

Bibliographie

  1. Aubenque, Pierre. 1991. "Une occasion manquée: la genèse avortée de la distinction entre l' "étant" et le "quelque chose"." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 365-387. Napoli: Bibliopolis.

    Repris dans: P. Aubenque, Problèmes aristotéliciens. Philosophie théorique, Paris: Vrin 2009, pp. 307-320.

    "Platon, dans le Sophiste, ne consent pas à remettre en cause le primat de l'ontologie, remise en cause qui lui aurait peut-être permis de réfléchir sur le statut infra-ontologique de la temporalité et de la fausseté, mais peut-être aussi sur le statut supra-ontologique du premier principe, qui, selon Resp. VI 509 B, "n'est pas une essence", puisqu'il est "au-delà de l'essence".

    P. Hadot, dans une analyse célèbre, a émis l'hypothèse que le Dieu transcendant de Porphyre, «non-étant au-dessus de l'étant (μή όν υπέρ το όν)», venait remplir la place éminente qu'occupe le "quelque chose" dans le schéma stoïcien.(22) Mais, en réalité, c'est l'Un, et non le "quelque chose", qui désigne le plus constamment pour les Néoplatoniciens le terme premier par rapport à quoi l'ontologie se trouve rabaissée à la seconde place, et il ne me paraît pas que le néoplatonisme ait été conscient de l'affinité structurale profonde qui existe entre son hénologie et la "tinologie" stoïcienne. J'ai moi-même souligné l'«aveuglement de Plotin à l'égard d'une doctrine qui pourrait passer à bon droit pour l'une des sources du dépassement néoplatonicien de l'ontologie» (23), rappelant notamment l'analyse très critique où Plotin, se référant à l'aristotélisme le plus orthodoxe, qualifie d' «incompréhensible et irrationnelle» la notion stoïcienne d'un "quelque chose" qui ne serait pas nécessairement un étant (24). La tradition néoplatonicienne n'a retenu expressément que le refus platonicien de la "tinologie", et par là de l'occasion, que saisira le stoïcisme, d'un dépassement de l'ontologie surdéterminée du substantialisme au profit d'une doctrine plus englobante du "quelque chose", c'est-à-dire de la détermination en général (25). L'occasion restera à jamais manquée pour la tradition platonicienne, qui dépassera certes l'ontologie, dans sa phase néoplatonicienne, mais par d'autres voies. Il reste que le problème, doublement posé par le Sophiste, du statut du discours faux et de celui de la non-présence "incorporelle" représente un premier et décisif ébranlement de l'ontologisme parménidien. C'est là un aspect trop méconnu du "parricide" : le discours sur l'être ne retrouvera jamais plus, après le Sophiste, son innocence perdue, celle d'une prééminence qui lui reviendrait en quelque manière de droit." (pp. 384-385)

    (22) P. Hadot, Porphyre et Victorinus, t. I, Paris, 1968, p. 175 sq.

    (23) P. Aubenque, Plotin et le dépassement de l'ontologie grecque classique, in Le néoplatonisme (Actes du Congrès de Royaumont, 9-13 juin 1969), Paris 1971, p. 106.

    (24) Cfr. le premier des traités plotiniens Sur les genres de l'être, VI 1 (42), 25 s.

    (25) On serait tenté de dire: la déterminité en général.

  2. ———, ed. 1991. Études sur le Sophiste de Platon. Napoli: Bibliopolis.

    Les textes de ce volume ont été recueillis par Michel Narcy.

    Table des Matières

    Pierre Aubenque: Avant-propos 11

    Première Partie: L'ORDRE DU TEXTE: SOPHISTIQUE, ONTOLOGIE, COSMOLOGIE

    Francis Wolff: Le chasseur chassé. Les définitions du sophiste 17; Maria Villela-Petit: La question de l'image artistique dans le Sophiste 53; Nestor-Luis Cordero: L'invention de l'école éléatique: Platon, Sophiste, 242D 91; Jean Frère: Platon, lecteur de Parménide dans le Sophiste 125; Michel Fattal: Le Sophiste: logos de la synthèse ou logos de la division? 145; Monique Dixsaut: La négation, le non-être et l'autre dans le Sophiste 165; Antonia Soulez: Le travail de la négation: l'interprétation du Sophiste par Gilbert Ryle 215; Monique Lassègue: L'imitation dans le Sophiste de Platon p. 247; Rémi Brague: La cosmologie finale du Sophiste (265 B4 - E6) p. 267;

    Deuxième Partie: VUES PERSPECTIVES

    Barbara Cassin: Les Muses et la philosophie. Élements pour une histoire du pseudos 291; Denis O'Brien: Le non-être dans la philosophie grecque: Parménide, Platon, Plotin 317; Pierre Aubenque: Une occasion manquée: la genèse avortée de la distinction entre l'"étant" et le "quelque chose" 365;

    Troisième Partie: LA TRADITION DU SOPHISTE

    Pierre Pellegrin: Le Sophiste ou de la division. Aristote-Platon-Aristote 389; Michel Narcy: La lecture aristotélicienne du Sophiste et ses effets 417; Luc Brisson: De quelle façon Plotin interprète-t-il les cinq genres du Sophiste ? (Ennéades VI 2 [43] 8) 449; Annick Charles-Saget: Lire Proclus, lecteur du Sophiste (avec un appendice par Christian Guérard: Les citations du Sophiste dans les œuvres de Proclus) 475; Françoise Caujolle-Zaslawsky: Note sur l'ἐπαγωγή dans le Sophiste. A propos de Diogène Laërce III 53-55 509; Alain Boutot: L'interprétation heideggerienne du Sophiste de Platon 535;

    INDEX

    Index de citations de Platon: I Index des citations du Sophiste 563; II Index des citations d'autres dialogues 567; Index des citations d'auteurs anciens (Platon excepté) 571; Index des noms d'auteurs modernes 582-587.

    "Le Centre de Recherches sur la Pensée antique (Centre Léon Robin) de l'Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), formation associée au C.N.R.S. (U.A. 107), s'est attaché ces dernières années à l'étude des fondements grecs d'une théorie de l'être, de ce que les Modernes ont appelé "ontologie". Deux ouvrages déjà parus portent témoignage de ces recherches(1).

    Après le Poème de Parménide, il était naturel que notre attention se portât - ce fut le cas des séminaires tenus entre 1984 et 1986 - sur le dialogue platonicien où la compréhension parménidienne de l'être se trouve contestée, mais aussi d'une certaine manière assumée, en même temps que transformée.

    L'occasion de cette crise, que Platon dramatise au point de la voir culminer dans l'exigence d'un "parricide" pourtant impossible, avait été suscitée par l'existence du mouvement sophistique, dont la pratique "polymorphe" visait en fait à donner !'apparaître - donc une certaine forme d'être - au non-être, contrevenant par là à l'interdiction de Parménide de dire étant le non-être. On connaît la solution platonicienne : l'introduction dans l'être d'un certain non-être sous la forme de l'altérité." (p. 13)

    (...)

    "Replacer l'onto-logie dans les circonstances historiques de son surgissement, c'est, croyons-nous, redonner vie et d'abord sens à ce qui ne devrait plus apparaître dès lors comme le simple complément, général et abstrait, d'études philosophiques plus particulières, dont le platonisme nous fournit par ailleurs maints exemples, mais comme le fondement même et le garant de leur possibilité. En ce sens, le Sophiste est bien, dans toute l'acception du terme, un texte central, pour le platonisme comme pour l'histoire de la philosophie." (p. 14)

    (1) Concepts et catégories dans la Pensée antique, Paris 1981; Etudes sur Parménide, Paris 1987, 2 voll.

  3. Audouard, Xavier. 1966. "Le simulacre." Cahiers pour l'Analyse no. 3.

    "Qui sait donc ? Celui qui commence ou celui qui parvient ? le sujet dont on part ou le sujet auquel on arrive? Qu'est ce sujet supposé savoir, sinon le sage lui-même? Savoir quoi? qu'il a toujours su précisément ce qu'il fallait savoir. Le sophiste, lui, prétend que savoir et ne pas savoir reviennent au même, parce qu'il n'y a pas de vérité du simulacre, parce que l'écart qui crée le simulacre le différencie autant de la copie de la réalité que de la réalité même, que de la réalité même, que le simulacre seul institue le sujet en l'incorporant comme cet écart même. Que le sujet n'est pas et ne peut pas être référence, sinon en mettant en lumière, à chaque instant, du procès dichotomique, qu'il est l'écart nouveau pris par rapport à toute référence, que jamais ce sujet-là ne survolera comme "sujet de connaissance", l'ensemble des écarts où, il s'est institué, que le sujet à connaftre est un simulacre, un fantasme enfin, car il ne peut être connu que du point de vue particulier du sujet auquel il se révèle." (p. 71)

  4. Ballériaux, Omer. 2001. "Platon. Aporía, euporía et les mots étymologiquement apparentés : Sophiste." In Aporia dans la philosophie grecque, des origines à Aristote, edited by Motte, André and Rutten, Christian, 81-128. Louvain: Peeters.

    "La fréquence relative des mots de la famille d’ᾰ̓πορῐ́ᾱ y est [dans le Sophiste], en effet, la plus élevée de tous les dialogues, à savoir 0,149 alors que la moyenne générale est de 0,044 (1) Les occurrences des mots à connotation positive, εὔπορος et εὐπορέω y sont très peu nombreuses et n’offrent guère d’intérét. Trois d’entre elles sont, on le verrà plus loin, prises dans l’acception physique ou socio-économique. Et la quatrième, la seule qui fasse référence à un stade atteint dans la connaissance, dépeint une réussite qui est en réalité illusoire.

    Εὐπορεῖν φαμεν (2433 c3) : nous nous berçons d'illusion lorsque nous prétendons êtree sorti d'incertitude." (p. 81)

    (...)

    "Mais l'examen le plus révelateur est incontestablement celui qui porte sur l'inégale répartition des occurrences dans les diverses parties du dialogue. L’introduction (section A [216a 1-218b 5] ne retiendra guère notre attention. Elle ne comporte qu’une seule occurrence, d’ailleurs peu significative. Socrate ayant manifesté son intention d’interroger l’Étranger d’Élée sur le sophiste, le politique, le philosophe, Théodore constate, en passant, que Socrate a donc été jeté dans l’embarras à propos de ces trois personnages,περὶ αὐτῶν διαπορηθεὶς (217 a 4-5). Nous négligerons également les deux occurrences (267 c 7 et 10) qui, dans la conclusion (section I [264b 10-268 d5]), font référence à l’embarras éprouvé à un moment antérieur de la discussion. Restent 23 occurrences, fort inégalement réparties au sein du reste du dialogue, où nous distinguerons trois parties, la première (les divisions) correspondant aux sections B [218b 6-231 a 5] , C [231 a 6-232 b 3], D [232 b 3-236 c 8], la seconde regroupant les sections E [236 c 9-241 c 3], F [241 c 4-242 b 5], G [242 b 6-251 a 4] (examen des opinions des philosophes), la troisième enfin (section H [251 a 5-264 b 9]) étant celle où l’Éléate expose la doctrine des genres." (pp. 87-88)

    (1) Pour un relevé complet des occurrences présentes dans chaque dialogue, voir le début du §6. Conclusions.

  5. Boutot, Alain. 1991. "L'interprétation heideggerienne du Sophiste de Platon." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 537-559. Napoli: Bibliopolis.

    "De toutes les interprétations modernes du Sophiste de Platon celle qu'en a donnée Heidegger dans un cours professé à Marbourg pendant le semestre d'hiver 1924-25, mais non encore publié à l'heure [*] compte probablement parmi les plus originales."

    "L'exégèse heideggerienne du Sophiste, telle qu'elle s'exprime à travers les textes de la première période de Heidegger, reste, on le voit, très lacunaire. Elle n'est probablement que l'écho affaibli de l'interprétation développée dans le cours de Marbourg. Elle montre très clairement cependant que Platon n'était pas encore pour Heidegger, à cette époque, ce penseur charnière qu'il sera plus tard, en tant qu'initiateur de la tradition métaphysique, mais n'était qu'une étape, une étape essentielle certes, mais une étape seulement dans le développement de la pensée grecque qui va de Parménide à Aristote. Cette présentation, somme toute assez classique, de la place de Platon au sein de la philosophie grecque, a pu être suggérée à Heidegger par la problématique du Sophiste elle-même, puisque dans ce Dialogue Platon s'efforce précisément de dépasser l'ontologie parménidienne et ouvre la voie, du même coup, à l'ontologie aristotélicienne et à la doctrine des significations multiples de l'être. Le fait que Heidegger soit resté fidèle à cette présentation, qui apparaît déjà dans le cours de 1925/26 : Logik (56), jusque dans le cours sur Aristote de 1930/31 (57), tout comme les évocations, assez rares, mais persistantes, du Sophiste pourraient laisser supposer que c'est essentiellement à travers ce Dialogue que Heidegger appréhendait Platon ou plus précisément l'ontologie platonicienne pendant la première partie de son œuvre. Heidegger trouvait dans le Sophiste une anticipation de ses propres vues aussi bien sur le problème de l'être, que sur celui du λόγος. Ensuite, on le sait, Heidegger privilégiera, dans son analyse de la pensée de Platon, les textes où s'affirme l'idéalisme platonicien sous sa formulation la plus "traditionnelle", comme ceux de la République, et s'efforcera de montrer que, dans et par cet idéalisme, l'être en tant qu'être sombre dans l'oubli." (pp. 557-558)

    [*] Platon: Sophistes, GA Bd. 19 (2002); traduction française: Platon : «Le Sophiste», Paris : Gallimard 2001.

    (56) Cfr. [Gesamtausgabe] GA Bd. 21, p. 168-9.

    (57) Cfr. GA Bd. 33, p. 27-8.

  6. Brague, Rémi. 1991. "La cosmologie finale du Sophiste (263b4-e6)." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 269-288. Napoli: Bibliopolis.

    Repris dans Rémi Brague, Introduction au monde grec. Études d'histoire de la philosophie, Chatou: Les Éditions de la Transparence 2005 (Édition revue 2008), pp. 195-218.

    "Le but de la note qui suit est simplement d'attirer l'attention sur un passage du Sophiste de Platon: les pages 265 B 4 à E 6, qui forment la première moitié (hormis les quatre premières lignes) du paragraphe 49 du découpage traditionnel. Ce morceau se trouve communément négligé par les commentateurs, à ma connaissance (et à celle des répertoires spécialisés, comme par exemple celui de la revue «Lustrum») depuis une bonne trentaine d'années. On peut comprendre les raisons de cette omission : les philosophes, le plus souvent, et avant tout ceux de la tendance que l'on étiquette aussi commodément que caricaturalement comme «analytique», ne lisent du Sophiste que quelques pages qu'ils considèrent comme cruciales, et qui portent sur les cinq genres, la négation, le sens du verbe "être", etc. - problèmes avec lesquels notre passage n'a, à première vue, rien à voir. Par ailleurs, ceux, et ils ne sont pas si nombreux, qui se donnent la peine de fournir de tout le Sophiste un commentaire suivi, semblent curieusement pressés d'en finir, et passent rapidement sur les dernières répliques - non d'ailleurs sans imiter en cela les protagonistes mêmes du dialogue. Il me semble que l'on passe de la sorte à côté d'un texte fort intéressant et, en particulier, lourd d'implications pour la signification de tout ce que Platon dit ailleurs à propos de l'univers physique. Je ne puis ici que donner quelques rapides indications, me réservant de revenir plus en détail sur le contexte de ce qui reste ici programmatique." (pp. 269-270 notes omises)

  7. Brisson, Luc. 1991. "De quelle façon Plotin interprète-t-il les cinq genres du Sophiste ? (Ennéades, VI 2 [43] 8)." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 451-474. Napoli: Bibliopolis.

    "Il arrive souvent que le scholar contemporain qui essaie de comprendre un dialogue de Platon tombe sur une interprétation qui, de prime abord, le déconcerte, tout en excitant chez lui un grand intérêt, en raison de la profonde originalité qui s'en dégage. Or, il n'est pas rare qu'une recherche des sources de cette interprétation mène à Plotin. C'est le cas notamment en ce qui concerne les cinq genres du Sophiste. Voyons donc ce qu'il en est dans le détail, en prenant pour texte de référence Enn. VI 2 [ 43] 8, chapitre qui, après avoir été replacé dans son contexte théorique et historique, sera traduit et commenté." (p. 451)

    (...)

    "Pour Plotin donc, le problème est moins d'expliquer comment communiquent entre elles les formes intelligibles, qui représentent l'être par excellence, que de décrire l'intellect, lieu de l'intelligible et donc de l'être. Ce décalage entrâine des conséquences importantes. Alors que, dans le Sophiste, l'être, le même et l'autre, déduits d'une analyse du couple de contraires : repos/mouvement, constituent les genres véritablement suprêmes qui régissent la communauté des formes intelligibles, en Enn. VI 2. 8, l'être, le mouvement, le repos, et surtout le même et l'autre, ne sont que des aspects de l'intellect (νοῦς). Ils perdent ainsi leur autonomie ontologique, pour devenir, comme le veut d'ailleurs Plotin, des catégories du monde intelligible, c'est-à dire des instruments permettant la description de la seconde hypostase." (p. 472)

  8. ———. 2008. "La définition de l'être par la puissance. Un commentaire de Sophiste 247 b - 249 d." In Dunamis. Autour de la puissance chez Aristote, edited by Crubellier, Michel, Jaulin, Annick, Lefebvre, David and Morel, Pierre-Marie, 173-196. Louvain-La-Neuve: Peeters.

    "Lorsque, dans le Sophiste, il définit l’être par la puissance, Platon modifie-t- il sa position sur les formes intelligibles en les soumettant au changement ? Telle est la question à laquelle je voudrais tenter de répondre ici." (p. 173)

    (...)

    "Comme il est difficile d’admettre qu’il s’est contredit, on a fait l'hypothèse que Platon avait changé d’idée sur les Formes, qui, à partir du Sophiste, ne seraient plus totalement dépourvues de changement.

    Depuis la seconde moitié du XXe siècle, deux types d’interprétation inspirés tous les deux par la philosophie allemande ont été développés, l'une dans le cadre de la philosophie analytique, et l’autre par Francesco Fronterotta récemment.

    Les commentateurs analytiques suivent Gilbert Ryle(23), qui prétendait que Platon avait abandonné la doctrine des Formes dans la seconde partie du Parménide. Et ils estiment donc que le Sophiste est le témoin de ce changement. Les Formes ne sont plus des réalités séparées, des modelés, mais des concepts, susceptibles de changement comme le prétendent Julius Moravsick(24), G.E.L. Owen(25) et I. M. Crombie(26) entre autres.

    L'interprétation analytique, où se fait sentir une très forte influence aristotélicienne(27), est en fait un avatar des grandes interprétations néo-kantiennes, celles de Ritter(28) et de Natorp(29).

    Pour sa part, Francesco Fronterotta(30) propose une interprétation qui s’apparente à celle de Zeller(31), lequel était sous l’influence de Hegel. Francesco Fronterotta attribue aux Formes une activité causale qui est non pas seulement d’ordre paradigmatique, mais aussi d’ordre efficient.

    (...)

    À la suite de F.M. Cornford(34), de H. Chemiss(35) et de Gr. Vlastos(36), j’estime que Platon n’a pas modifié sa position sur le sujet. Relisons Sophiste 247b-249d. Force est d’admettre qu’il y a bien une définition de l’être par la puissance en Sophiste 247d-e. Mais des divergences apparaissent, lorsqu’il s’agit de déterminer à qui fait référence Sophiste 248d-e, et quel sens il faut donner au pantelôs ôn de 248e." (pp. 179-180)

    (23) Ryle [1965] «Plato’s Parmenides» (19391), dans Allen (ed.) [1965]. Studies in Plato's metaphysics, Routledge and Kegan Paul, London.

    (24) Moravcsik [1962] «Being and meaning in the Sophist», Acta Philoso-phica Fennica, fase. XIV, p. 37 sq.

    (25) Owen [1986] Logic, Science and Dialectic, collected papers in Greek philosophy, ed. by Martha Nussbaum, Cornell University Press, Ithaca (NY), pp. 27-44.

    (26) Crombie [1963] Examination of Plato's doctrines, vol. II: «Plato on knowledge and reality», Routledge and Kegan Paul, London, p. 396 sq.

    (27) Notamment chez Keyt [1969] «Plato’s paradox that the immutable is unknowable», Philos. Quarterly, 19, p. 1 sq.

    Keyt essaie de tenir les deux bouts de la chaîne en renvoyant à Aristote : «The Eleatic Stranger, in Sophist 248d 1-e 5, présents the friends of the forms with the paradox that the immutable is unknowable. Plato does not indicate in the Sophist how his own theory of forms avoids the paradox. He is not deeply committed lo the proposition that the forms undergo change, but ought to be; he is deeply committed lo the proposition that the forms are changeless, but for insufficient reasons. Aristotle, in Topics 137b3-13, distinguishes two respects in which a form may have an attribute, which suggests that a Platonist ought to hold that the forms are changeless in some respects, but not in others».

    (28) Ritter [1976] «Eidos, idèa und verwandte Wörter in den Schriften Platons mit genauem Nachweis der Stellen» (19101) Neue Untersuchungen über Platon (1910), Amo Press, New York, pp. 228-236.

    (29) Natorp [2004] Plato's theory of ideas. An introduction do idealism (19031, 19212), ed. by Valitis Politis, Academia Verlag, Sankt Augustin..

    (30) Fronterotta [2001] Methexis. La teoria Platonica delle idee et la partecipazione delle cose empiriche. Dai dialoghi giovanili al Parmenide, Scuola Normale Superiore, Pisa, pp. 348-356.

    (31) Zeller, Mondolfo [1974] La filosofia dei Greci nel suo sviluppo storico (19225), trad, par Ervino Pocar, parte seconda, vol. III 1 et 2: «Platone e l'Accademia antica», a cura di Margherita Isnardi Parente, La Nuova Italia, Firenze.

    (32) Fronterotta [2001: 343-348].

    (33) Fronterotta [2001: 354-356]

    (34) En m’inspirant des notes et des commentaires faits par Cornford [19642| Plato's theory of knowledge (19351), Routledge and Kegan Paul, London.

    (35) Cherniss [1993] The riddle of the Academy; traduction française par L. Bou-lakia, Vrin, Paris.

    (36) C’est la position soutenue par Vlastos [ 19812] «On the interpretation of Soph. 148d4-e4», dans Platonic Studies (19731), pp. 309-317.

  9. ———. 2010. "L'âme ou l'intelligible ? Comment interpréter Sophiste 253d5-e2 ?" In Aglaïa. Autour de Platon : Mélanges offerts a Monique Dixsaut, edited by Brancacci, Aldo, El Murr, Dimitri and Taormina, Patrizia, 387-395. Paris: Vrin.

  10. Brunschwig, Jacques. 1988. "La théorie stoïcienne du genre suprême et l'ontologie platonicienne." In Matter and Metaphysics. Fourth Symposium Hellenisticum, edited by Jonathan, Barnes and Mignucci, Mario, 19-127. Napoli: Bibliopolis.

    Traduction anglaise : "The Stoic Theory of the Supreme Genus and Platonic Ontology", in J. Brunschwig, Papers in Hellenistic Philosophy, Cambridge : Cambridge University Press:1994, pp. 92-157.

  11. Cassin, Barbara. 1991. "Les Muses et la philosophie. Ėlements pour une histoire du pseudos." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 293-316. Napoli: Bibliopolis.

    "Le philosophe, chien de garde de la vérité et du désir de vérité, est commis à l' aletheia. Le sophiste, ce loup depuis qu'il y a des philosophes, est commis au pseudos. Or pseudos nomme dès l'origine et indissolublement le "faux" et le "mensonge" : la "fausseté" donc de celui qui trompe et/ou se trompe; c'est le concept éthico-logique par excellence. Le Sophiste de Platon marque expressément ce double lien qui rattache sophistique et pseudos aux yeux de la philosophie : le sophiste est une imitation, une contrefaçon sauvage du philosophe (Soph. 231 A), parce qu'il élit pour domaine le faux, le semblant, le phénomène, l'opinion, en un mot, tout ce qui n'est pas. Philosophie des apparences et apparence de la philosophie : sophiste simulateur-dissimulateur.

    Je voudrais tenter de localiser le pseudos, essentiellement à travers Parménide et Hésiode, pour déterminer la manière dont la sophistique s'y loge, afin de comprendre, à travers Platon, comment la philosophie à ses débuts domestique l'idée même de pseudos, et aménage la place de la sophistique. Place de l'alter ego dans la structure : d'une part le pseudos, la possibilité de choisir le pseudos, est une condition de possibilité de l'existence même du langage; autrement dit : tous ne sont pas sophistes, mais, pour parler, il faut qu'il y ait des sophistes.

    D'autre part, l'interprétation du pseudos en termes de mimesis bloque toute assignation de critère et brouille l'imputation : «Sage ou sophiste?» se demande l'Etranger jusqu'au bout." (pp. 293-294)

  12. Caujolle-Zaslawsky. 1991. "Note sur l'ἐπαγωγή dans le Sophiste. A propos de Diogène Laërce, III 53-55." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 511-534. Napoli: Bibliopolis.

    "Examinons donc, pour commencer, l'emploi effectif du terme ἐπαγωγή dans l'œuvre de Platon. Il se trouve que Platon a employé ἐπαγωγή en un sens correspondant à l'un des emplois courants du terme, celui de "charme", de sortilège, de mauvais sort, d'influence magique, ou encore d' "induction", mais dans l'acception aujourd'hui désuète de séduction, emprise. Il a utilisé, également, le terme ἐπαγωγός, en un sens que semblent retrouver de nos jours la médecine et la biologie contemporaines avec le néologisme '"inducteur": une cause "inductrice" déclenche un phénomène avec un certain retard par rapport au moment où elle intervient. Platon parlait d'un «inducteur de sommeil» : c'est la description qu'on pourrait donner, aujourd'hui, d'un somnifère.

    Il est évident que l'usage platonicien d'ἐπαγωγή est simplement, ici, l'usage courant et n'a rien de technique ni de particulier. Surtout, cette sorte-là d'ἐπαγωγή n'a rien à voir avec celle qui lui est attribuée chez Diogène Laërce [III, 53-55], et que nous allons examiner maintenant." (pp. 520-521, notes omises)

    (...)

    "Si nous tentons ici de récapituler les notices et les thèmes qui semblent liés à l'enseignement ''épagogïque" selon Platon, nous observons successivement : le procédé est lié à l'analyse de cas particuliers, concrets, que la perception et l'évidence sensible y jouent le premier rôle, qu'il ne s'applique qu'à des choses présentant une similitude : (les lettres, par exemple). Car la place tenue dans cette méthode par la notion de τὸ ὅμοιον exige une homogénéité de cas." (p. 534, note omise)

  13. Charles-Saget, Annick. 1991. "Lire Proclus, lecteur du Sophiste (avec un appendice par Christian Guérard : Les citations du Sophiste dans les oeuvres de Proclus)." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 451-474. Napoli: Bibliopolis.

    "Nous ne connaissons pas de commentaire de Proclus au Sophiste de Platon. Quelques indices textuels permettent de supposer qu'il y eut, sinon un commentaire continu, du moins quelques "explications" ou exégèses de passages considérés comme essentiels. Mais pour le lecteur philosophe d'aujourd'hui, il ne reste qu'une série de citations sur laquelle faire fond, citations ou simples références qui représentent ici le matériau de notre travail.

    Au premier examen, nous remarquons combien la densité des renvois varie avec les oeuvres, ce qui est bien naturel et correspond à la diversité des thèmes, mais ne saurait à soi seul être significatif. L'ln Parmenidem viendrait en premier (plus de 50 renvois), puis la Théologie Platonicienne (31 références pour les tomes I à V), l'In Timaeum (21), l'In rempublicam (9), les Trois Opuscules (7), enfin l'In Alcibiadem (2), l'In Cratylum (1). Même si le nombre des occurrences ne permet pas de préjuger de la résonance proprement philosophique du texte, il reste que les lieux de citation dessinent dejà une certaine lecture du Sophiste, au moins en ce que certains passages sont absents. Et même si la prudence est de rigueur, on est ici particulièrement tenté de donner au non-dit "un certain être".

    Quant au dit, il faut en entendre les accents. Ceux que Proclus marque lui-même par les amplifications qui sont l'effet de son système ne peuvent, pour nous, se confondre avec les accents du texte de Platon. Car nous lisons aussi des éclaircissements, sans doute, mais souvent des déplacements (de sens ou d'accents), qui sont de l'ordre du détournement. Tout le néoplatonisme est de cette veine, dira-t-on. Sans doute, et c'est pourquoi nous allons proposer à notre tour un mode de lecture de la lecture que fit Proclus de certains passages du Sophiste de Platon." (pp. 477-478, notes omises)

  14. Cordero, Nestor-Luis. 1985. "Révélation et rationalité aux origines de la pensée grecque. L’héritage parménidien dans le Sophiste de Platon." École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire no. 94:409-416.

    "Cette année nous avons étudié l'héritage du parménidisme, ainsi que son « dépassement », dans le Sophiste de Platon. Nous avons donc voulu nous pencher tant sur la naissance que sur la « mort » de Parménide, car Platon, par la bouche de l'Étranger d'Élée, a bien voulu « tuer » le Philosophe de l'Être. D'où l'une des inconnues qui nous a amenés à entamer notre enquête : le crime, a-t-il vraiment eu lieu ?" (p. 409)

    (...)

    "En effet, ce qui déclenchera le mécanisme qui aboutira à la nouvelle conception du non-être est le paradoxe qui fera dire à Théétète que tout cela est « très bizarre » (mala atopon) (242c 2). Le paradoxe consiste à admettre que, malgré son inexistence, l'image existe réellement (ontôs) en tant qu'image. Cela va de soi que si l'image avait déjà eu une certaine forme d'existence, le fait de dire maintenant qu'elle existe pleinement ne constituerait pas un paradoxe. Il a fallu d'abord nier absolument (ontôs) l'existence de l'image pour pouvoir ensuite susciter le plus grand étonnement lorsqu'on affirmera que pourtant elle existe absolument (ontôs).

    Une nouvelle conception de l'être (et, par conséquent, du non-être) est en train de naître. Selon l'ancienne conception, tout ce qui n'est pas vrai, n'existe pas ; dans la nouvelle conception, l'identité est la garantie de l'existence. Et comme chaque individu est identique à lui-même et différent des autres, identité et différence définissent son être. On ne peut pas nier que le Sophiste est un dialogue étrange : si Parménide est (peut-être) tué, Aristote est certainement né." (p. 415)

  15. ———. 1985. "L'héritage parménidien dans le Sophiste de Platon." École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire no. 94:409-416.

    Le sujet des conférences portant sur la période octobre 1985 - janvier1986 a été la suite presque évidente de celui de l'année précédente. En effet, les conférences sur « Révélation et rationalité aux origines de la

    pensée grecque » avaient abouti à la naissance du premier essai de constitution d'une démarche rationnelle à partir de (ou en rapport avec) un univers chargé encore d'éléments mythiques et religieux, démarche

    que nous avions située chez Parménide. Cette année nous avons étudié l'héritage du parménidisme, ainsi que son « dépassement », dans le Sophiste de Platon. Nous avons donc voulu nous pencher tant sur la

    naissance que sur la « mort » de Parménide, car Platon, par la bouche de l'Étranger d'Élée, a bien voulu « tuer » le Philosophe de l'Être. D'où l'une des inconnues qui nous a amenés à entamer notre enquête : le

    crime, a-t-il vraiment eu lieu ?" (p. 409)

  16. ———. 1987. "Le non-être absolu dans le Sophiste de Platon." Annuaire de l'École Pratique des Hautes Études – Vème Section no. 95:282-285.

    Analyse de Sophiste 237b-239c.

  17. ———. 1991. "L'invention de l'école éléatique: Platon, Sophiste, 242D." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 91-124. Napoli: Bibliopolis.

    Repris dans N.-L. Cordero, Parmenidea. Venti scritti sull'Eleate e i suoi"eredi", Baden-Baden: Academia Verlag 2019, pp. 194-213.

    "Elée était une colonie fondée par le Phocéens vers 540 pour remplacer une ancienne enclave grecque située au nord du promontoire de Palinure, en Lucanie (Grande Grèce).

    C'est là que naquirent Parménide et Zénon, à une date difficile à préciser (dans le cas de Parménide, presque simultanément avec la fondation de la colonie, selon la chronologie d'Apollodore qu'adopte Diogène Laërce IX 23; vers l'année 515, selon la chronologie que l'on peut déduire des témoignages de Platon, Theaet. 183 E, Soph. 217 C, Parm. 127 B. Dans le cas de Zénon, entre 508 et 490, selon les mêmes sources). Plus d'un siècle après, entre 368 et 361, date probable de l'écriture du Sophiste, Platon fait état d'un ethnos éléatique (242 D) dans une liste des mouvements philosophiques qui l'ont précédé. La "philosophie éléatique" est devenue ensuite l'un des clichés dont les commentateurs dans un premier temps, et les historiens de la philosophie après, n'ont pas pu se passer. Nous voudrions analyser dans ce travail le rapport qui pourrait s'établir entre les deux philosophes nés à Elée ("éléates", donc) et le "système éléatique" tel qu'il a été canonisé par Platon dans le Sophiste." (pp. 93-94, notes omises)

    (...)

    "Il ne reste qu'à répondre à deux questions: (a) Platon a-t-il été le premier à regrouper les quatre philosophes [Xénophane, Parménide, Zénon, Melisse] pour inventer ex nihilo l' ethnos éléatique? (b) Pourquoi cette mise en scène a-t-elle lieu dans le Sophiste? A la première question on peut répondre oui et non. J. Mansfeld a démontré dans une étude récente et très exhaustive (89) que des systématisations thématiques étaient pratiquées au moins depuis la Sophistique, et il analyse le cas de !'Anthologie d'Hippias. Selon Mansfeld, dans le passage qui nous occupe, Platon aurait hérité une séquence intégrée par Musée, Orphée (les mystérieux initiateurs de l'école), Xénophane et Parménide (90) dans un schéma contenant des réponses sur la "quantité" des êtres. C'est très probable. Mais Mansfeld admet que Platon effectue aussi des «additions personnelles aux schémas préalables» (91). Il a raison en ce qui concerne le sujet de la liste platonicienne: il s'agit de réponses à la question «combien y a-t-il d'êtres (τα όντα [...] πόσα) (Soph. 242 c). Mais c'est Platon qui ajoute les noms de Zénon et de Mélissos à cette liste, qui expose les fondements conceptuels du groupe, qui justifie doctrinalement - mais à tort - l'appartenance de Parménide à l'équipe, et surtout qui caractérise comme "issus d'Elée" ces "monistes"; il "invente" ainsi l'école éléatique.

    La réponse à notre deuxième question a été avancée tout au long de notre travail. Dans le Sophiste, Platon doit se libérer d'une certaine conception de l'être: celle qu'il avait affirmée jusqu'aux dialogues de la période des "critiques". Le Parménide règle les comptes avec la théorie des Formes, mais surtout en ce qui concerne le rapport entre celles-ci et les individus. Dans le Sophiste, c'est la structure même de l'univers des Formes, ainsi que la constitution de chaque Forme, qui est en question. Jusqu'au Sophiste, l'héritage du père Parménide était la source de l'univers des Formes. La nouvelle conception du παντελως ὅν, en revanche, exige le parricide." (pp. 123-124)

    (89) J. Mansfeld, Aristotle, Plato, and the Preplatonic Doxography and Chronography, in G. Cambiano (ed.), Storiografia e dossografia nella filosofia antica, Torino 1986, pp. 1-59.

    (90) J. Mansfeld, op. cit. (note préc.), p. 27.

    (91) Loc. cit., p. 28. Isocrate fera lui aussi des «additions évidentes» au «catalogue original» (loc. cit., p. 34).

  18. ———. 1991. "Des circonstances atténuantes dans le parricide du Sophiste de Platon." In Platonisme et néoplatonisme. Antiquité et temps modernes, 29-33. Athène: Cahiers de la Villa Kérylos.

    "On cherchera en vain, dans le Sophiste, un rapprochement quelconque entre l'Étranger et la philosophie éléatique. C'est un philosophe, mais différent des compagnons de Parménide et de Zenon. C'est un bon connaisseur de la philosophie qui est née à Élée et qui s'est répandue, évidemment très modifiée (mais ceci est un autre problème) dans tout le monde grec. A la demande de son amphitryon, il entreprend de définir le métier de sophiste, et sa logique impitoyable l'amène à réfuter le système du père de l'éléatisme — il dit «le père Parménide» (241 d) et non pas «mon père Parménide» — , ce personnage qu'il a écouté dans son enfance et qui avait été aussi le créateur des lois d'Élée. Si nous tenons compte de ces éléments, force nous est d'avouer que le crime, malgré son importance, a des véritables circonstances atténuantes." (p. 33)

  19. ———. 1992. "Le procès de Parménide dans le Sophiste de Platon." École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire no. 101:249-252.

    "Nous pouvons affirmer avec certitude que nous ne trouvons pas chez Parménide ce que Platon lui critique : a) l'assimilation du faux au non-être (237a) ; b) une conception de l' être-Un (242d) associée littéralement à quelque chose de « spatial », voire à une sphère (244e). Ces deux affirmations découlent d'une perspective sur la réalité étrangère à celle de Parménide et que Platon résume comme une recherche sur « la quantité et la qualité des êtres » (242c), question qui n'est pas pertinente par rapport à

    Parménide, dont les intérêts sont préalables à cette classification. Regardons maintenant les deux chefs d'accusation." (p. 250)

  20. ———. 2000. "La participation comme être de la forme dans le Sophiste de Platon." In Ontologie et dialogue. Mélanges en hommage à Pierre Aubenque avec sa collaboration à l'occasion de son 70e anniversaire, edited by Cordero, Nestor-Luis, 33-46. Paris: Vrin.

    "Le sujet de ce travail m'a été suggéré par une remarque de Pierre Aubenque à propos d'un passage du Sophiste de Platon. En effet dans le volume collectif Études sur le Sophiste de Platon (2)publié sous la direction de Pierre Aubenque, l'éditeur lui-même a écrit un article remarquable dans lequel il faisait état d'une sorte d'échec. Le titre du travail en témoigne : "Une occasion manquée. La genèse avortée de la distinction entre l'étant et le quelque chose». (p. 33)

    (...)

    "Je voudrais tout simplement réfléchir sur une affirmation qui fait partie de la conclusion de P. Aubenque. Il dit que Platon,l dans le Sophiste, n'accepte pas de remettre en cause le primat de l'ontologie : et c'est dommage. car la remise en cause de ce primat lui aurait permis de réfléchir sur le statut infra-ontologique de la temporalité et de la fausseté, mais peut-être aussi su le statut supra-ontologique du premier principe, qui, selon la République, n'est pas unee ssence (ousía), puisqu'il est au-delà de l'essence (Rép. 509b) (op. cit. 384).

    Je n'ai rien à dire sur la première partie de la conclusion de P. Aubenque en ce qui concerne le statut infra-ontologique de certaines réalités telles que le temps et la fausseté, ou ce que les Stoïciens appelleront les incorporels : et je n'ai rien à dire parce que ce que P. Aubenque a dit me semble tout à fait convaincant. En revanche, je m'interroge sur la pertinence de la deuxième partie de sa conclusion, car il me semble - et je ferai de mon mieux pour justifier mon point de vue - que Platon a bel et bien réfléchi, je n'ose pas dire sur un premier principe, mais sur la question d'une sorte d'être qui n'est pas assimilé à des ousiai. c'est-à-dire, dans son système, à des Formes et il me semble que non seulement il s'est posé la question, mais qu'il a aussi trouvé la réponse. Je voudrais montrer que Platon se demande, à une certaine étape de sa démarche philosophique, quel est le statut d'un être qui n'est pas ceci ou cela. S'agit-il de la question de l'être en tant qu'être, attribuée depuis toujours, pour la première fois à Aristotle?

    Pourquoi pas? En tout cas, ce n'est pas la réponse platonicienne qui pourrait être retenue, mais la question. S 'il en est ainsi, Aristote - qui, lui non plus (et P. Aubenque l'a bien démontré) n'a jamais répondu à la

    question - ne fera que suivre l'exemple de son maître." (pp. 33-34)

    (2) Essais publiés sous la direction de Pierre Aubenque, Naples, Bibliopolis. 1991.

  21. ———. 2005. "Du non-être à l'autre. La découverte de l'altérité dans le Sophiste de Platon." Revue Philosophique de la France et de l'Étranger no. 195:175-189.

    "Le titre de ce travail suggère que nous avons l’intention de parcourir un chemin qui mène d’une notion (celle du non-être) à une autre (celle de « l’autre »). Mais il faut dire d’ores et déjà que la notion de « chemin » n’engage, dans notre cas, que l’interprète (donc, nous-mêmes), et que les auteurs étudiés ici (notamment, Platon) seraient très surpris d’apprendre qu’ils ont « découvert » quelque chose qui est, pour nous, une sorte d’aboutissement d’une longue marche. En effet, il arrive souvent aux philosophes de partager l’expérience que l’on constate aussi chez les grands écrivains : la signification la plus profonde de leurs oeuvres leur échappe." (p. 175)

    (...)

    "Lorsque Parménide parle de « ce qui est » (to on), il fait allusion au « fait d’être ». C’est d’ores et déjà une notion « dynamique », et c’est pour cette raison que, lorsqu’il présente pour la première fois dans son Poème la notion de « ce qui est », il utilise le verbe « être » à la troisième personne, isolé : esti (fr. 2. 3). « On est » (esti, sans sujet) ; donc, il y a de l’être, dirait Parménide. Cette notion d’être, présente dans tout ce qui est, est très voisine, et même plus, de la Forme de l’être présentée par Platon dans le Sophiste. Platon lui-même dit qu’il ne s’est pas occupé de la question d’un non-être qui serait l’opposé de l’être, et, nous croyons, pour cause : parce que Parménide avait déjà dit ce qu’il fallait dire : qu’il faut être, ou ne pas être du tout (fr. 8. 11). Platon accepte le défi, et trouve des nuances (avant Aristote) dans le sens du mot « être » ; quoi qu’il en soit, en tant que Forme, il donne de l’être, même au non-être, représenté par l’altérité. On pourrait donc dire que Platon confirme et élargit ce que Parménide disait : il y a de l’être, et il y a aussi du non-être, qui, en tant que Forme (celle de l’Autre), occupe une place éminente. Maintenant tout est, même le non-être...

    Mais cette Forme de l’être que Platon découvre n’admet pas une négation, et c’est pour cette raison que les Formes les plus importantes ne sont que cinq : repos-mouvement, identité-altérité, être.

    La Forme de l’être ne peut pas admettre une Forme contraire...

    L’être que Platon propose a le même caractère absolu et nécessaire que l’être parménidien." (pp. 188-189)

  22. ———. 2007. "Il faut rétablir la version originale de Sophiste 240b 7-9." Elenchos.Rivista di Studi sul Pensiero Antico no. 28 (403):413.

    "Si tout ouvrage écrit avant l’invention de l’imprimerie est devenu un “livre”, c’est grâce à l’aide de toute une série de collaborateurs que les auteurs anciens ont eu la chance de rencontrer à titre posthume: les “éditeurs”, des érudits qui ont mis de l’ordre à l’intérieur de la tradition manuscrite de ses ouvrages, qui ont établi des textes “bons à tirer”, et qui dans la plupart des cas ont offert aux érudits modernes des possibilités de lecture non retenues, mais valables, dans les apparats critiques.

    (...)

    "Cependant, dans quelques occasions – les cas son heureusement très peu nombreux – quelques éditeurs se sont laissés emporter par leur imagination, et des collègues plus respectueux du texte original ont du faire des efforts titanesques afin que la voix authentique de l’auteur puisse s’écouter à nouveau, ou, simplement, pour rétablir un silence salutaire là où des conjectures malheureuses avaient détourné le sens d’un passage.

    (...)

    "Un cas beaucoup plus grave, car il s’agit de la transformation volontaire d’un texte clair et distinct transmis d’une manière unanime par la tradition manuscrite, est celui d’un passage décisif du Sophiste de Platon (240 B 7-10)." (pp- 403-404)

    (...)

    "L’étonnement sera le résultat d’un véritable paradoxe: l’admission de l’existence réelle de quelque chose qui n’existe pas. Pour sortir de l’impasse il faudra admettre, malgré ce que l’on croit d’habitude, que le non-être existe d’une certaine manière (πως). Et, pour que l’étonnement soit authentique, c’est Théétète lui-même qui sera obligé de tirer cette conclusion à partir de la définition de l’image (εικών) que lui-même a proposé: une sorte de double d’un modèle mais qui, à la différence de celui-ci, «n’est pas du tout vrai» (οὐδαμῶς ἀληθινόν, 240 B 2). Comme Théétète lui-même admet que ce qui est vrai est ce qui existe réellement ( ὄντως ὂν, B 3) – qui est le contraire ( ἐναντίον, B 5) de ce qui n’est pas vrai – l’Étranger tire la seule conclusion qui s’impose: «tu dis donc que ce qui est semblable (τὸ οικὸς n’existe pas, car tu affirmes qu’il n’est pas vrai». Mais comme Théétète a déjà admis que ce qui ressemble est «semblable» (ἀλλ᾽ οικὸς, B 2), l’Étranger, dans la même phrase, ajoute: «Mais il existe» (B 8). Voilà le texte authentique de Platon." (p. 405)

    (...)

    "Toutes les éditions actuelles du Sophiste, en revanche, reproduisent la deuxième modification, aussi injustifiée que la précédente mais beaucoup plus grave, car nous n’hésitons pas à affirmer que la séquence de l’argumentation platonicienne a été tergiversé, et l’effet dramatique annulé. Le responsable a été C.F. Hermann, et la preuve du délit se trouve à la page 375 du volume premier de son édition (sans traduction) des dialogues de Platon (Teubner, Leipzig 1851)."(p. 407)

    (...)

    "Voici son texte, que l’on trouve, d’ailleurs, dans toutes les éditions et traductions actuelles du Sophiste 240 B:

    7-8 – ÉTR. Tu dis donc que ce qui est semblable est un non-être [non]9 réel, si tu affirmes qu’il n’est pas vrai.

    9 – THÉÉT. Mais il existe d’une certaine manière (πως).

    10 – ÉTR. Non véritablement, tu dis.

    Nous avons déjà dit que le texte que l’on trouve dans la totalité de la tradition manuscrite du passage (nous croyons avoir fait l’“autopsie” de tous les codices existants aujourd’hui), ainsi que dans les éditions antérieures à celle de 1851 (à l’exception de Schleiermacher) est celui que nous avons présenté plus haut. Les petites divergences (sur lesquelles nous reviendrons) concernent des adverbes ou des négations fournis par des sources manuscrites diverses, mais jamais un changement des répliques ni du statut de l’adverbe πως. La modification de Hermann, par conséquent, ne se justifie pas; mais il donne cependant des arguments." (p. 408)

  23. ———. 2011. "Une conséquence inattendue de l'assimilation du non-être à l'Autre dans le Sophiste." In Plato's Sophist: Proceedings of the Seventh Symposium Platonicum Pragense, edited by Havlíček, Aleš and Karfík, Filip, 188-198. Praha: Oikoymenh.

  24. Cornea, Andrei. 2009. "Le Sophiste de Platon: cinq ou six «genres suprêmes» ? ." Semitica et Classica:43-49.

    Résumé : "Il existe une ancienne interprétation (qu’on retrouve déjà chez Plotin) selon laquelle, dans le Sophiste, Platon aurait pris en considération seulement cinq «genres suprêmes»: le mouvement, le repos, l’être, le même et l’autre. Or, Platon admet aussi une certaine existence du non-être (à l’encontre du «père Parménide») qu’il définit comme «autre que l’être». Il s’ensuit, selon cette même interprétation, que Platon aurait identifié l’autre et le non-être. Cet article s’interroge sur le bien-fondé de cette interprétation et cherche à montrer que Platon distingue l’autre du non-être, de sorte que le nombre des genres suprêmes dans le Sophiste serait six et non pas cinq. La thèse est étayée de plusieurs sortes d’arguments.

    Premièrement, Platon ne dit jamais que le nombre définitif des genres suprêmes est seulement cinq; au contraire, il laisse entendre que ce nombre est plus important.

    Deuxièmement, il y a des raisons logiques qui s’opposent à ce que non-être et autre (celui-ci défini comme «autre que l’être») soient identiques. Par exemple, cela amènerait à confondre «l’autre que l’être» avec «l’autre», c’est-à-dire à confondre un sujet avec une relation.

    Troisièmement, il s’ensuit une conséquence inévitable de la distinction entre l’autre et le non-être, étant donné que la théorie des Formes veut que tout sujet auquel on attribue une certaine propriété, participe de la Forme correspondante: cette conséquence est la «Forme des négations», distincte de la «Forme des relations». Or, cette «Forme des négations» est mentionnée par Aristote dans deux passages de la Métaphysique, à côté de la «Forme des relations», lorsqu’il évoque les objections contre la théorie des Formes que l’on formulait au sein de l’Académie.

    L’article soutient qu’il est vraisemblable que, après le Sophiste, Platon ait abandonné la théorie des six genres suprêmes, tout en explorant des solutions alternatives dans le Philèbe, le Timée et la «doctrine non écrite»."

  25. de Vogel, Cornelia. 1953. "Platon a-t-il ou n'a-t-il pas introduit le mouvement dans son monde intelligible?" In Proceedings of the XIth International Congress of Philosophy. Vol. 12, 61-67. Amsterdam: North-Holland.

    Reprinted in: C. de Vogel, Philosophia. Vol. I: Studies in Greek Philosophy, Assen: Van Gorcum 1970, pp. 176-183.

  26. Diés, Auguste. 1909. La définition de l’Être et la nature des Idées dans le Sophiste de Platon. Paris: Félix Alcan.

    Nouvelle édition Paris: Vrin 1963.

    "Notre étude comprend donc cinq chapitres :

    I. — Le rôle du concept de mouvement dans le Sophiste.

    II. — La définition de TÊtre par la δύναμις.

    III. — Le mouvement de l'οὐσία.

    — Le παντελώς ον.

    V. — Le Communauté des Genres.

    Enfin, dans notre Conclusion, nous résumerons brièvement les résultats de notre étude." (p. VI)

    (...)

    "Lors même que les Amis des Idées seraient des Platoniciens ou Platon lui-même, il n'en resterait pas moins que le Sophiste ne met pas, dans l'οὐσία, autre chose que le mouvement passif qui résulte, pour elle, du fait d'être connue; il serait vrai encore que le παντελώς ον, en qui sont affirmés le mouvement, l'âme, la vie et la pensée, est le monde sensible et non pas l'idée platonicienne; il serait démontré, autant que nous avons pu le faire, que la définition de l'Être par le pouvoir de pâtir et d'agir n'est pas la proclamation solennelle d'une théorie énergétique de l'Être et que l'essentielle nouveauté du Sophiste, la Communauté des Genres, n'est pas la conséquence de ce dynamisme. La théorie des Idées resterait tout aussi exempte de transformation que si la thèse combattue dans les Amis des Idées eût été celle des Mégariques.

    Seulement il deviendrait étrange de voir Platon, auteur du Phèdre et du Phédon, lire et combattre rétrospectivement en ces dialogues une théorie de la réalité exclusive de l'ousia et de l'éternelle immobilité du Tout. La preuve d'une transformation de la théorie des Idées dans le Sophiste serait une présomption en faveur de l'identification des Amis des Idées aux Platoniciens classiques : si Platon a mis, dans les Idées, à partir du Sophiste, le mouvement et la vie consciente, il a pu, il a peut-être dû, de ce nouveau point de vue, traiter sa doctrine antérieure comme une doctrine d'immobilité.

    Nous avons essayé de prouver que cette transformation n'est pas opérée dans le Sophiste. Nous savons, d'ailleurs, que bien des traits différencient le platonisme classique de la théorie soutenue par les Amis des Idées. Si d'autres sont forcés d'identifier ces Néo-Eléates et presque obligés par leur thèse à y comprendre Platon lui-même, nous avons, nous, le droit de confesser provisoirement notre ignorance et de maintenir seulement ces simples propositions : le Sophiste ne combat pas la théorie classique des Idées, le Sophiste ne transforme pas la théorie classique des Idées; le Sophiste ne combat pas, ne transforme pas Platon." (p. 133)

  27. Dixsaut, Monique. 1987. "Platon et le Logos de Parménide (Sophiste, 241d-245e)." In Études sur Parménide. Tome II. Problèmes d'interprétation, edited by Aubenque, Pierre, 215-253. Paris: Vrin.

    Repris dans M. Dixsaut, Platon et la question de la pensée: études platoniciennes I, Paris: Vrin 2015, Chapitre VI.

    "Avant d’aborder l’examen critique des doctrines de l’être, l’Étranger adresse trois prières à Théétète. Dans la première, il lui demande de se contenter «du peu qu’on pourra gagner, par quelque biais (πη) que ce soit, sur un logos aussi fort que celui de Parménide»; dans la deuxième, de ne point le regarder comme un parricide «s’il est contraint de mettre à l’épreuve le logos de son père Parménide»; dans la troisième, de ne pas l’accuser de manquer de mesure, de délirer, s’il «entreprend de réfuter ce logos», à supposer qu’il en soit capable (Soph. 241c-242a).

    Du sens que l’on accorde à cette manière d’annoncer l’entreprise comme mise à l’épreuve d’un logos fort, paternel et sacré — et de l’importance que l’on attache (ou non) à cette manière de l’introduire, dépend toute la lecture du texte qui suit. La relecture de ce célèbre passage du Sophiste aura donc pour objet de déterminer sur quoi porte exactement la réfutation, comment et dans quel but elle se conduit." (p. 215)

  28. ———. 1991. "La négation, le non-être et l'autre dans le Sophiste." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 165-213. Napoli: Bibliopolis.

    Repris dans M. Dixsaut, Platon et la question de la pensée: études platoniciennes I, Paris: Vrin 2015, Chapitre VII.

    "L'analyse de la négation suit l'examen, par l'Etranger, de ceux qu'on dit être les plus grands parmi les genres; elle aboutit à la définition du non-être comme Forme assurée de son être et de son unité, possédant sa nature propre. La finalité de toute cette partie du dialogue est explicite : ne pas être un homme sans culture et sans philosophie, donc tenir le λογος pour l'un des genres qui sont. Pour cela, il a fallu établir, contre les opsimathes, la communication des genres; elle suppose que, d'une certaine manière, l'être n'est pas. La manière qu'a l'être de ne pas être, c'est de ne pas être les autres : «autant de fois les autres sont, autant de fois il n'est pas» (257 A 4-5), d'être autre que tous ses autres. L'articulation des genres entre eux garantit la possibilité du logos. Réciproquement, affirmer que le non-être, sous un certain rapport, existe, et qu'il est comme l'être une Forme une, είδος εν, va permettre d'affirmer la réalité du logos, d'affirmer que, tout en n'étant pas l'être, il en participe, il est. La réalité du discours a partie liée avec la différence de l'être et avec l'affirmation de l'être de cette différence.

    De la pluralité et de la communauté des genres découle la nécessité d'attribuer le non-être et l'affirmation d'une pluralité infinie de non-étants (256 D-257 A 6). Cette attribution est !'œuvre de la nature de l'autre: l'existence de la différence, en différenciant les genres, les rend du même coup autres que l'être, donc, sous ce rapport, non étants. Ainsi, attribuer le non-être, c'est attribuer l'autre relativement à l'être. La réduction de la négation à l'altérité est-elle propre à ce seul terme, "non-être", ou ne fait-il que suivre la règle commune à toute expression et à toute attribution négative? C'est là l'objet d'un passage de transition, qui conclut le développement sur les cinq grands genres et introduit le morcellement de l'autre en "petites parties" [257 B 1-257 C 3]." (pp. 167-168)

  29. ———. 1992. "La dernière définition du Sophiste (Sophiste 265b-268d)." In Sophies maietores = Chercheurs de sagesse : hommage à Jean Pépin, edited by Goulet-Cazé, Marie-Odile , Madec, Goulven and O'Brien, Denis, 45-75. Paris: Institut d'études augustiniennes.

    Repris dans M. Dixsaut, Platon et la question de la pensée : études platoniciennes I, Paris: Vrin 2015, Chapitre VIII.

  30. ———. 2000. "Images du philosophe." Kléos no. 4:191-248.

    "Le sophiste est un être difficile à capturer, mais le philosophe ne l’est pas moins; cependant, “en ce qui le concerne la difficulté est d’un autre ordre qu’en ce qui concerne le sophiste”(1). Si, pour ce dernier, elle tient à l’obscurité du lieu où il s’est réfugié (le non-être), le philosophe “au contraire est difficile à voir en raison de l’éclatante lumière de la région” où il réside. Les objets sur lesquelles il réfléchit portent tous la “marque” (idea) de l’être, cesont des réalités véritablement existantes et pleinement intelligibles. “Or les yeux de l’âme de la plupart sont incapables d’avoir la force de regarder vers ce qui est divin”(2). La plupart des hommes, donc, ont une âme impuissante à voir et à comprendre ce qui est. Pour eux, l’éclat divin propre à l’intelligible est indiscernable de l’obscurité de l’inintelligible, ils sont semblablement aveuglés

    par l’excès de lumière et par son absence. C’est donc leur incapacité à saisir la nature des réalités dont s’occupe le philosophe qui entraîne leur méconnaissance de ce qu’est réellement un philosophe."

    (1) Platon, Sophiste, 254 a 1-2: ἐναργῶς καὶ τοῦτον, ἕτερον μὴν τρόπον ἥ τε τοῦ σοφιστοῦ χαλεπότης ἥ τε τούτου.

    (2) Platon, Sophiste, 254

  31. Dorion, Louis André. 2001. "Le destin ambivalent de la sixième définition du Sophiste : l’exemple d’Aristote et de Clément d’Alexandrie." In Une philosophie dans l’histoire : hommage à Raymond Klibansky, edited by Melkevik, Bjarne and Narbonne, Jean-Marc, 47-63. Québec: Presses de l’Université Laval.

    "La sixième définition du Sophiste comporte donc à la fois un volet logique et un volet moral, la dimension logique étant toutefois clairement subordonnée à la dimension morale. Ce double aspect de l'elenchos ne sera pas nécessairement conservé par les auteurs qui s' inspireront de ce texte du Sophiste. Les dimensions logique et éthique, que Platon s'efforce de concilier et d'articuler en subordonnant la première à la seconde, peuvent être indépendantes l'une de l'autre, si bien que l'on peut souscrire uniquement à l'une ou l'autre. C'est précisément cette dissociation des aspects logique et éthique que j'aimerais mettre en lumière chez deux auteurs, Aristote et Clément d'Alexandrie s'inspirent l'un et l'autre, à des fins différentes, de la description de l'elenchos en Sophiste 230b-e. Comme je m'efforcerai de le démontrer, Aristote ne retient de cette description que le volet logique en faisant l'impasse sur la perspective pédagogique qui confère pourtant sa finalité à la réfutation dialectique. Quant à Clément d'Alexandrie, il semble ignorer la structure logique de l'elenchos, au point même que son elenchos ne se présente plus comme une réfutation dialectique, mais il demeure néanmoins fidèle à l'autre aspect de l'elenchos, puisqu'il en fait un instrument pédagogique au service d'une finalité morale, qui n'est toutefois pas identique, en dépit des apparences, à celle visée par Platon." (pp. 49-50)

    Références

    L-A. Dorion. Les Réfutations sophistiques d'Aristote : introduction, traduction et commentaire. Paris. Vrin (coll. «Histoire des doctrines de l'Antiqui1é classique», 18), 1995.

    Clément d'Alexandrie. Le Pédagogue, Livre I, introduction, texte, traduction et notes de M. Harl. H.-I. Marrou, Paris, Cerf (coll. «Sources Chrétiennes 70), 1960.

  32. Fattal, Michel. 1991. "Le Sophiste : logos de la synthèse ou logos de la division?" In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 145-163. Napoli: Bibliopolis.

    Repris dans: M. Fattal, Logos. Pensée et vérité dans la philosophie grecque, Paris: l'Harmattan 2001, pp. 161-180.

    Trad. it. "Ricerche sul logos da Omero a Plotino", Milano, Vita e Pensiero, 2005, pp. 104-115.

    "C'est en remontant aux origines de la pensée grecque, représentée par la poésie d'Homère d'une part et par la philosophie d'Héraclite et de Parménide d'autre part, que l'on se propose de comprendre l'originalité de la pensée platonicienne du logos telle qu'elle a été élaborée dans le Sophiste. Ce retour aux origines revêt une importance capitale pour la compréhension du logos platonicien. En fait, il s'agit de montrer que l'utilisation platonicienne du logos n'est pas sans se référer indirectement au fonctionnement simultanément synthétique et analytique du verbe legein tel qu'il apparaît pour la première fois chez Homère. La notion de dialectique représente, selon nous, la thématisation des deux fonctions synthétique et analytique déjà contenues dans le legein homérique. Platon se serait laissé guider par l'étymologie du verbe legein pour élaborer sa théorie philosophique et linguistique du logos et de la dialectique.

    Compte tenu de cela, le logos du Sophiste ne serait pas non plus sans présenter certaines similitudes structurelles avec le logos d'Héraclite, qui semble pour sa part mettre l'accent sur l'idée de synthèse, et avec le logos de Parménide qui paraît fondé sur celle de l'analyse. Notre but étant de montrer, que malgré la valorisation des deux fonctions de la dialectique (Soph. 253 B-E), Platon finit par privilégier le langage de la division en se rangeant plutôt du côté de Parménide." (p. 147)

  33. ———. 2009. Le langage chez Platon. Autour du Sophiste. Paris: L'Harmattan.

    Sommaire : Avertissement 11; Introduction 13; Chapitre I: Le Cratyle 15; Chapitre Il: Le Phèdre 25; Chapitre III: Le Sophiste 39; 1. Le problème de la prédication (251 a - 259 d) : une difficulté linguistique, logique et philosophique 45; 2. Les conditions de possibilité du discours vrai et du discours faux (259 d - 264 b) 65; Conclusion 81; Annexe : Une mise en perspective du logos platonicien 85; Bibliographie sélective 103-114.

    "Le Sophiste représente un des sommets de la philosophie en général et de la pensée grecque et platonicienne en particulier. C'est dans le Sophiste que Platon élabore une théorie philosophique du langage qui est complète et achevée. Le présent ouvrage, destiné à un large public et qui est également susceptible d'alimenter la réflexion des spécialistes, se propose de montrer toute l'originalité de la pensée platonicienne en matière de langage. Il entend ainsi décrire l'itinéraire intellectuel et philosophique qui a conduit progressivement Platon à élaborer sa théorie de la proposition, et à réfléchir sur les conditions de possibilité du vrai et du faux dans les discours." (p. 13)

  34. Frère, Jean. 1991. "Platon, lecteur de Parménide dans le Sophiste." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 125-143. Napoli: Bibliopolis.

    "Bien que souvent négligé, le témoignage de Platon sur Parménide est sans aucun doute capital. Comment Platon lit-il Parménide avant de le discuter ?

    Platon, certes, lorsqu'il a parlé de Parménide, quand il a mis en scène Parménide, n'a pas toujours été fidèle à Parménide. Dans le dialogue intitulé Parménide, ce que Parménide. est censé envisager quant aux hypothèses sur l'Un (l'Un est un, l'Un est, etc.) constitue analyse platonicienne, non parménidienne. Quand, dans le Théétète, Platon évoque Parménide, c'est à propos d'un thème parménidien, non d'un vers précis du Poème que se fait la discussion (180 D).

    Dans le Sophiste, au contraire, Platon cite Parménide; ceci par trois fois: 237 A, 244 E, 258 D." (p. 127, note omise)

    (...)

    "Ainsi selon Platon dans le Sophiste y avait-il chez Parménide énoncés vrais, énoncés erronés, quant à l'Etant et quant aux étants. C'est le problème du bien-fondé de tels énoncés qui allait amener Platon à contourner Parménide énonçant de l'Etant son caractère d'inengendré et indestructible Englobant. «Il nous faudra nécessairement, pour nous défendre, mettre à la question la thèse de notre père Parménide» (Soph. 241 D). Au dialecticien rationaliste usant de mythes rationnels Platon, Parménide apparaissait, tels les autres Présocratiques, comme un abusif "conteur de mythes". «Ils m'ont tout l'air de nous conter des mythes, comme on ferait à des enfants» (Soph. 242 C)31• Mais, même si Parménide a intégré à son œuvre des figures mythiques, Parménide selon Platon n'a point vraiment "conté de mythes". Des pensées désormais incontournables ont été énoncées par Parménide.

    Platon le sait et l'a écrit. Or Platon ne nous montre pas seulement en Parménide un penseur de l'Etre un, mais aussi un penseur de l'Etre-sphère et de l'Etant dont se peuvent énoncer avec certitude bien des qualifications et bien des négations essentielles." (p. 143)

  35. Fronterotta, Francesco. 1995. "L'être et la participation de l'autre, une nouvelle ontologie dans le Sophiste." Les Études Philosophiques:311-353.

    "Mais sur quelle base repose l'interdit de Parménide, selon l'analyse de l'Eléate ? Quels sont les paradoxes et les difficultés du non-être ?

    C'est sur ce point que porte l'enquête menée dans la section qui suit (3)." (p. 312)

    (...)

    "Pour sortir de telles difficultés, il est nécessaire d'examiner le raisonnement de Parménide, pour vérifier s'il est possible de réfuter le caractère péremptoire de sa négation du non-être : c'est seulement démontrant que, sous certains aspects, le non-être est, et que par conséquent il peut être objet d'analyse et de discours, que l'on pourra éclairer l' « endroit d'accès difficile » où s'est réfugié le sophiste; en effet, si l'on songeait à discuter les paradoxes de la fausse opinion et des imitations, ou des arts qui les touchent, avant d'avoir analysé en profondeur la question du non-être, qui est à la base de ces paradoxes, on tomberait immédiatement en contradiction avec soi-même (4). C'est un point important, parce qu'il met en relation le problème de l'être et du non-être avec celui du discours vrai ou faux, opérant ainsi un renvoi du plan logique au plan ontologique, et établissant une connexion nécessaire et indiscutable." (p. 313)

    (...)

    "La discussion sur la nature de l'être et du non-être est introduite par l'analyse des doctrines philosophiques antérieures où ce problème est pris en compte. L'Eléate dresse d'abord la liste des différentes positions et des philosophes qui les ont défendues; mais leur interprétation est tellement difficile qu'il doit suggérer une autre approche : il vaudra mieux classer ces doctrines par groupes, en examinant la théorie de l'être qu'elles présupposent (1)." (pp. 317-318)

    (3) Soph. 237 b7 - 241 e 5.

    (4) Ibid., 241 e1-5.

    (1) Soph., 242 b6-243 b 9.

  36. ———. 2008. "La notion de δύναμις dans le Sophiste de Platon : koinônia entre les formes et methexis du sensible à l'intelligible." In Dunamis. Autour de la puissance chez Aristote, edited by Crubellier, Michel, Jaulin, Annick, Lefebvre, David and Morel, Pierre-Marie, 187-224. Louvain-La-Neuve: Peeters.

    "Prémisse. Le Parménide transmet aux dialogues qui le suivent deux problèmes fondamentaux dans la réflexion tardive de Platon, 1° celui de la κοινωνία των γενών, évoqué d’une manière allusive en Parménide 129b-130a (qui annonce un programme de travail qui consiste en l’explication du τέρας extraordinaire de la distinction et de la conjonction des formes)(1) 2° celui de la μέθεξις du sensible à l’intelligible, tellement discuté qu’il représente la question essentielle examinée dans le Parménide. Ce dernier, cependant, ne lui donne pas de réponse définitive: si aucune des formes «ne se trouve chez nous», dans le sensible (μηδεμίαν αυτών εἶναι έν ήμϊν), «les choses sensibles n’ont pas plus d’efficace sur les humes que les formes n’en ont sur les choses sensibles. Au contraire, je lr répète, c’est sur elles-mêmes que les formes ont de l’efficace et c’est en relation avec elles-mêmes qu’elles existent; et pareillement les choses sensibles n’existent qu’en relation avec elles-mêmes» (<τά εϊδη> αυτά ου ιών καί προς αυτά έκεϊνά τέ έστι ... τα παρ’ήμϊν ωσαύτως προς αύτά)(2). Mais les formes dans leur ensemble sont en même temps ce à quoi participent les choses sensibles, ce qui fait que ces dernières tirent justement de cette participation leur réalité propre, leurs qualités et leurs dénominations, d’où le problème de savoir si la participation entre les formes et les choses sensibles est compatible avec leur séparation réciproque, le fait de «se trouver chez nous» étant, pour les formes, contradictoire(3).

    Une fois ces deux questions soulevées, si on admet que le Parménide précède de quelques années la composition du Sophiste, il est opportun de vérifier si le Sophiste se propose de leur donner une réponse. C’est précisément ce que je vais essayer de faire dans les deux parties qui composent cette étude." (pp. 187-188)

    (1) Je parlerai dans cet article de formes (εϊδη) ou de genres (γένη) intelligibles, car le Sophiste emploie ces deux termes sans poser entre eux aucune distinction véritable. Sur l'interprétation de ce passage du Parménide, voir mon article Fronterotta [2001 a].

    Avant ce passage du Parménide, il n’y a que très peu de références à la question de la participation des formes entre elles dans les dialogues de Platon (Cratyle 438e 5-10; République V 476a 4-7; Phédon 104b 6-105a 5).

    (2) Voir Parménide 133a -e. La traduction du Parménide est celle, légèrement modifiée, de Brisson [19992] Platon. Parménide, GF-Flammarion, Paris.

    (3) Concernant le «dilemme» de la participation des choses sensibles aux formes intelligibles, voir récemment Brisson [2005] «Come rendere conto della partecipazione del sensibile all'intellegibile in Platone», in Eidos-Idea. Platone, Aristotele e la tradizione platonica, éds. F. Fronterotta, W. Leszl, Sankt Augustin, pp. 25-36, et mes études Fronterotta [2001 b| ΜΕΘΕΞΙΣ. La teoria platonica delle idee e la partecipazione delle cose empiriche. Dai dialoghi giovanili al Parmenide, Pisa. pp. 115 57; 195-222; 271-314, et [2000] «Que feras-tu, Socrate, de la philosophie? L’un et les plusieurs dans l'exercice dialectique du Parménide de Platon», Revue de Métaphysique et d Morale, pp. 273-99.

  37. ———. 2019. "Platon sur ΟΝΟΜΑ, ΡΗΜΑ et ΛΟΓΟΣ : théories du ΣΗΜΑΙΝΕΙΝ en Sophiste 261d-262e." Methodos. Savoirs et textes no. 19:1-20.

    Résumé : "Dans cet article, j’examine la conception platonicienne du λόγος, en Sophiste 261d-262e, en tant que succession (συνέχεια) « signifiante » de ὄνομα et ῥῆμα, par un commentaire du passage cité du dialogue. Je discute particulièrement les points suivants : 1. Pourquoi « les termes prononcés », dans les cas d’une succession de noms ou d’une succession de verbes, n’indiquent aucune action ni aucune inaction (οὐδεμίαν ... πρᾶξιν οὐδ᾽ ἀπραξίαν), aucune réalité qui est ni aucune réalité qui n’est pas (οὐδὲ οὐσίαν ὅντος οὐδὲ μὴ ὄντος, 262c2-4) ? 2. Quelle est la différence entre « nommer » (ὀνομάζειν) et « dire» (λέγειν), en 262d4-6 ? 3. Quelle est la différence des constructions : λόγος περὶ + génitif et λόγος + génitif, en 262e-263a ? 4. Plus généralement : est-ce que le critère de vérité du discours établi en 263b-d est valide, rétrospectivement, pour toute forme de σημαίνειν, y compris le ὀνομάζειν ?"

  38. ———. 2020. "Être, présence et vérité : Platon chez Heidegger (et à rebours)." Studia Phaenomenologica no. 20:167-189.

    Abstract: "In this article, I wish to present and discuss some Heideggerian theses concerning the notions of “being,” “presence” and “truth” in Plato’s dialogues, taking as a point of departure Heidegger’s course on Plato’s Sophist given in Marburg in 1924–1925. My aim is to show that the fundamental philosophical link that unites them makes it possible to better understand seemingly obscure aspects of the Platonic conception of being and knowledge as it is presented in particular in the concluding pages of Republic V, to which this article is therefore essentially devoted."

  39. Gaudron, Edmond. 1960. "Sur l'objet du Sophiste." Laval théologique et philosophique no. 16:70-93.

    "L’étude des derniers dialogues platoniciens, depuis une soixantaine d’années, est généralement marquée des mêmes préoccupations : montrer que la théorie des idées, a subi, ou non, une transformation, — que Platon a finalement conçu, ou non, les idées comme des activités intellectuelles, des idées forces et même des esprits, — ou bien encore que de pareilles façons de concevoir les idées se retrouvent d’une certaine manière dans les dialogues écrits avant ceux qui ne laisseraient plus de doute sur la pensée de Platon.

    (...)

    Toutes les discussions qui se sont élevées autour de ce problème, ont cependant retenu l’attention des exégètes à ce point qu’il est permis de se demander si, pour édifier ou démolir une thèse ou même une hypothèse, on n’aurait pas fait passer au second plan des préoccupations auxquelles Platon lui-même donnait la première place. C’est ce que prêtent à penser les analyses dont le Sophiste, par exemple, a été l’objet.

    On a bien insisté sur l’objet de ce dialogue : essayer de penser le non-être et en déduire que Parménide avait tort de dire : « Jamais tu ne feras que le non-être soit ». Il y a du non-être, autrement l’erreur est impossible, puisque se tromper c’est prendre une chose pour une autre, c’est dire qu’une chose est alors qu’elle n’est pas.

    Mais il n’est pas facile de réfuter directement la thèse de Parménide.

    Platon montre bien que le non-être échappe d’abord à toute définition et c’est ce qui le conduit à cette conclusion : peut-être ne savons-nous pas ce qu’est le non-être, parce que nous ignorons d’abord ce qu’est l'être lui-même. Et nous arrivons à ce long passage du dialogue (2) où Platon fait une revue sommaire des idées que se sont fait de l’être les présocratiques et les amis des idées."(p. 70)

    (2) 2426-2546.

  40. Gavray, Marc-Antoine. 2006. "La dunamis dans le Sophiste." Philosophie Antique. Problèmes, Renaissance, Usages no. 6:29-57.

    Résumé : "En Sophiste, 247d8-e4, l’Étranger d’Élée pose un horos de l’étant comme « puissance d’agir et de subir (dynamis tou poiein kai tou pathein) ». L’objectif que se fixe cet article est d’envisager quel sens donner à cet horos et quelle valeur accorder à la dunamis dans ce dialogue. D’une comparaison avec d’autres occurrences dans le corpus platonicien (Phèdre et Théétète), il ressort que le Sophiste amène un double déplacement : d’une part il fait passer la question de la dunamis sur le champ de l’Etre d’une manière inédite, d’autre part son protagoniste n’attribue plus la formule à Hippocrate ou à Protagoras, mais il la présente comme le moyen, qu’il s’apprête à défendre, de sortir d’une impasse. Par une lecture des arguments qui annoncent et qui suivent cet horos, il apparaît que celui-ci possède une grande efficacité pour la compréhension de la structure du dialogue et de l’évolution de son argumentation. En même temps qu’il sert à définir l’Etre, il permet d’expliquer le fonctionnement de la koinonia des Genres et de jeter les bases de la théorie du non-être. En définitive, il se révèle être un truchement opérant pour dépasser définitivement la sophistique en lui substituant une véritable ontologie philosophique.".

  41. ———. 2007. Simplicius lecteur du Sophiste. Contribution à l'étude de l'exégèse néoplatonicienne tardive. Paris: Klincksieck.

    Table des matières: Introduction 9; Chapitre : L'hèritage néoplatonicien (Plotin, Proclus, Damascius) 13; Chapitre II: Les citations du Sophiste 35; Chapitre III: Simplicius lecteur du Sophiste 55; Conclusion 91; Traductions 95; Commentaire sur les Catégories 97; Commentaire sur la Physique 113; Commentaire sur le Traité de l'Âme 193; Annexe: Construction du Sophiste 203; Bibliographie 207; Index locorum 215; Index nominum 223; Index rerum 225-228.

    "Pour les commentateurs contemporains, le Sophiste constitue un dialogue clé au sein de l’œuvre de Platon. La complexité de sa doctrine et son rôle dans l’ensemble, la rigueur de sa méthode et l’enjeu de ses réfutations, l’identité de ses personnages et le rapport à Parménide : autant de questions qui ne cessent d’alimenter les débats. Or, au lieu de les aborder frontalement, il est possible d’adopter un autre point de vue, consistant à interroger le rapport qu’entretenaient les Anciens avec le texte, en particulier les Néoplatoniciens. Et si Plotin et Proclus, les grands noms du néoplatonisme, ont fait l’objet de quelques études récentes, personne n’a encore abordé cette question à propos de Simplicius - bien qu’il se présente comme un lecteur assidu du Sophiste. Une telle entreprise enrichirait pourtant nos connaissances de l'histoire de l’interprétation et de l’étude de ce dialogue." (p. 9)

    (...)

    "Par sa méthode exégétique et par sa perspective de commentateur d’Aristote, Simplicius se démarque de ses prédécesseurs néoplatoniciens. Dès lors, nous commencerons par analyser leurs grilles de lecture respectives, car en décryptant leur approche du Sophiste et en cherchant l’objectif qu’ils se fixent, nous espérons dégager les traits propres à chacune. De cette manière, nous espérons rendre compte du fait que Plotin met en œuvre la dialectique qu’il définit dans ses Ennéades, afin d’aboutir à une déduction des Genres de l’Être; que Proclus systématise les Dialogues de Platon et les rassemble dans une structure théologique où le Sophiste se voit accorder une place de choix par rapport au Parménide, malgré les apparences ; enfin, que Damascius, en raison de sa formation de rhéteur, retourne au texte original, mais que son regard varie si l’on observe son œuvre de philosophe ou bien celle de commentateur." (p. 10)

  42. Grasso, Elsa. 2008. "Socrate dans le Sophiste : Platon, le juge et le prétendant." In Socratica 2005: Studi sulla letteratura socratica antica presentati alle Giornate di studio di Senigallia, edited by Rossetti, Livio and Stavru, Alessandro, 305-325. Bari: Levante.

  43. ———. 2021. "L’ousia dans le Théétète et le Sophiste." Chôra. Revue d'études anciennes et médiévales no. 18-19:41-71.

    Abstract: "The Theætetus and the Sophist present in succession two “battles” regarding ousia. In so doing, ousia is placed at the heart of what is essential to both dialogues: in fact, ousia interconnects with the conditions of possibility, both physical and metaphysical, of logos and epistèmè.

    However, each dialogue brings differing conceptions of discourse and science into play, and both articulate a different train of thought regarding being.

    Ousia appears differently in the two dialogues and it is not the same thing as the notion of ousia, usually considered to be truly Platonic, presented in the central books of the Republic, which neither the Socrates of the Theætetus nor the Stranger of the Sophist put forward.

    Both present ways out of the battles, each has its own middle course. Against the thesis of the non‑immutability of ousia, the Theætetus establishes that there is not only motion. And, unlike the doctrine that reduces ousia to Forms excluding all motion, the Sophist shows that while there is not only motion, there is not only rest either. Such different orientations in the treatment of ousia, just below and just above doctrinal Platonism as it were, adjust to distinctions in the epistemological stakes: even if the Theætetus emphasizes that science proceeds from an activity of the soul bringing together “commons”, it is not yet a question, as it will be the following day, of systematically getting epistèmè to intellectually grasp a set of eidetic relationships, nor of making

    logos itself the elaboration of relationships. One needs to have left the field where those in favour of motion are challenged on their own ground, and in an albeit transformed field marked out by the partisans of eide which is not the field hierarchical metaphysics either, it will become possible to analyse the discourse itself as a relational framework that is consistent with the framework of ousia."

  44. Guérard, Christian. 1991. "Les citations du Sophiste dans les oeuvres de Proclus." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 495-508. Napoli: Bibliopolis.

    "Liste complète pour les Tria Opuscula, !'In Alcibiadem, !'In Parmenidem, les cinq premiers livres de la Théologie platonicienne et l'In Cratylum" (p. 495)

  45. Hoekstra, Marieke, and Scheppers, Frank. 2003. "Ὄνομα, ῥῆμα et λόγος dans le Cratyle et le Sophiste de Platon : analyse du lexique et analyse du discours." L'antiquité Classique no. 72:55-73.

    "Cette étude concerne (i) les valeurs sémantiques des mots Ὄνομα, ῥῆμα et λόγος en grec classique (paragraphe 1), et (ii) la façon dont ces valeurs sont mises en œuvre dans le développement thématique de quelques passages chez Platon ( Cra. 424e-425a et Soph. 261c-262e), passages qui sont important du point de vue de l'histoire de la linguistique (paragraphes 2 et 3). À ce propos, nous essaierons de décrire le fonctionnement de ces mots dans ces passages à partir de l'hypothèse que le vocabulaire de Platon n'est pas encore une terminologie spécialisée, mais puise dans les ressources du lexique commun de l'époque.

    Le champ sémantique de la parole dans le lexique grec « commun» (non spécialisé) de l'époque classique est assez différent des champs lexicaux comparables dans les langues modernes; ainsi, il n'y a pas d'équivalents (sauf très approximatifs) en grec classique pour des termes fondamentaux comme 'mot' ou 'phrase'; de plus, ce champ a connu une évolution diachronique importante entre les époques homérique et classique (évolution qui continue d'ailleurs ensuite). D'autre part, il y a eu une mutation profonde dans la conceptualité philosophique ou scientifique qui a donné lieu - après Platon - à des concepts tels que sujet, attribut, référence, etc., concepts qui n'existent pas encore à l'époque de Platon, mais qui déterminent la tradition grammaticale occidentale." (p. 55, notes omises)

  46. Husson, Suzanne. 2018. "Autarcie du Bien et dépendance de l’être ? De la République au Sophiste." Chôra. Revue d'études anciennes et médiévales no. 15-16:45-66.

    Abstract: "Even thought Parmenides doesn’t use αὐτάρκης and any noun derived from this root, the Being is conceived by him as self‑sufficient (v. 8,33). Plato, for its part, never uses this term concerning the intelligible reality; however, in the Sophist, he allusively challenges Parmenides self‑sufficiency of Being and outlines an ontology that is conflicting with it. On the other hand self‑sufficiency is explicitly ascribed by Plato to the human good (Philebus, 20d, 67a), to the divine world (Timaeus, 33d), and also to the virtuous man (Republic, 387d). This paper aims to demonstrate that these facets (theological or anthropological) of self‑sufficiency are consistent with the supremacy of the idea of the Good in the Republic, which can be understood as a structural kind of self‑sufficiency."

  47. Ildefonse, Frédérique. 2021. "Quelques différences entre le Cratyle et le Sophiste." In Plato's Cratylus. Proceedings from the Eleventh Symposium Platonicum Pragense, edited by Mikes, Vladimir. Leiden: Brill.

    A paraître.

    Abstract : "In this contribution, I seek to propose an approach to certain aspects of Cratylus by combining two paths : an approach to Cratylus by the Sophist and an approach, enlightened by stoicism, of what both of the dialogues develop. I do not propose to consider what the Cratylus would anticipate from the Sophist in terms of language study, but rather what the Sophist will shift from the investigation of the name, specific to the Cratylus. By reading the Cratylus closely, one can better see what operations the Stranger carries out in the Sophist : on truth, on the relationship between legein and logos, on logos and its parts, as well as on the interlacing between the question of truth and the distinction between legein and logos, as well as on the interlacing between the question of truth and the relationship between logos and its parts. I also propose, for some of their aspects, to read the Cratylus and the Sophist in the light of Stoicism, which, for these dialogues as for others, gives a particular light to the Platonic issues, but also allows us to understand the genesis of the Stoic concepts coming, for many of them, from a certain reading of Platonism."

  48. Jaulin, Annick. 2011. "Rupture et continuité : les divisions du Sophiste de Platon." In Figures de la rupture, figures de la continuité chez les anciens, edited by Desclos, Marie Laurence, 82-179. Paris: Vrin.

  49. Kapantaïs, Doukas. 2003. "Deux exemples du ‘paradoxe du non-être’ dans la littérature philosophique grecque." Skepsis no. 13-14:193-201.

  50. ———. 2004. "La dunamis du Sophiste et la critique aristotélicienne dans les Topiques." Revue de Philosophie Ancienne no. 22:3-18.

    "Parmi les érudits il y a pas mal de disputes concernant l'importance du passage sur la définition de l'être en tant que puissance d'agir ou de pâtir en 247e du Sophiste. Mais, même si cette définition ne possède pas une place centrale dans le dialogue, Aristote semble lui en attribuer une.

    Il y a de fortes raisons exégétiques pour soutenir qu'Aristote non seulement prend au sérieux cette définition, mais que, en plus, il consacre une partie considérable des Topiques à sa réfutation. Nous argumenterons dans cet article en faveur de la thèse selon laquelle la réfutation d'Aristote est basée sur une ambiguïté du domaine des variables p et q dans des formules générales qui peuvent obtenir la paraphrase formelle suivante: "a est (soit p, soit q)" (1)." (p. 3)

    (1) "a" est une variable d'objet général (d'un καθόλου). Ce n'est que par la suite que nous allons voir si la disjonction est exclusive ou inclusive, ainsi que quelle sorte de variables sont "p" et "q".

  51. ———. 2013. "Le paradoxe de Russell et l’idée de l’autre dans le Sophiste de Platon." In Plato, Poet and Philosopher: in memory of Ioannis N. Theodoracopoulos : proceedings of the 3rd International Conference of Philosophy : Magoula-Sparta, 26-29 may 2011 259-273. Athens: Academy of Athens, Research Centre of Greek Philosophy.

  52. Kévorkian, Gilles. 2013. "L’ « invention de la proposition » dans le Sophiste de Platon : une projection des paradigmes aristotéliciens et frégéens de la prédication." In Le langage, edited by Kévorkian, Gilles. Paris: Vrin.

  53. Kucharski, Paul. 1949. Les chemins du savoir dans les derniers dialogues de Platon. Paris: Presses universitaires de France.

  54. Lafrance, Yvon. 1984. "Sur une lecture analytique des arguments concernant le non-être (Sophiste 237b10 - 239a12)." Revue de Philosophie Ancienne no. 2:41-76.

    "Dans son étude sur le Sophiste de Platon [*], Moravcsik nous propose de comprendre l'expression τὸμὴ ὂν αὐτὸ καθ᾽ αὑτό (238c10) comme signifiant le concept de Non-Existence qu'il identifie par ailleurs à une Forme platonicienne (3) Il analyse ensuite les trois arguments du Sophiste (237b10 -239a12) à l'aide de cette Forme-concept. Nous appellerons donc logique ou conceptualiste cette lecture de Moravcsik.

    Par ailleurs, d'autres traductions ont été proposées et qui ne se recommandent pas de cette Forme-concept. Bluck traduit notre expression par: "that which is not all by itself, without any properties" (4), Cornford: "that which just simply is not" (5), Seligman: "that which is in no way whatever" (6), Diès: "le non-être en lui-même" (7), et D. Ross: "that which is not" (8). Nous appellerons ontologiques ces dernières lectures parce qu'elles invitent à comprendre les trois arguments sur le non-être en considérant celui-ci non pas comme un concept, mais comme le fait négativement contingent d'une "chose qui n'est pas". Nous pensons que la lecture conceptualiste de Moravcsik impose au texte platonicien la notion analytique de "public concept" ou de "conceptual reality", et que cette notion est incompatible avec la conception platonicienne de la réalité, du langage et de la vérité." (pp. 41-43)

    [*] Nous nous référons ici à l'étude de Moravcsik intitulée: "Being and Meaning in the Sophist", Acta Philos. Fennica, 14, 1962, pp. 23 - 78.

    Le commentaire du Sophiste (237b - 239a) se trouve aux pages 26 - 29 de cette étude.

    (3) J. M. E. Moravcsik, art. cit., p. 24, n. 2 et p. 26, n. l. Toutes nos références aux textes de Platon sont prises dans l'édition de l'Association G. Budé, publiée par les Belles Lettres de Paris.

    4. R. S. Bluck, Plato's Sophist, Univ. Press. Manchester, 1975, p. 63.

    5. F.M. Cornford, Plato's theory of knowledge, Routledge & K. Paul, London, 1964, p. 206.

    6. P. Seligman, Being and Not-Being, M. Nijhoff, The Hague, 1974,

    p. 15. Seligman propose aussi de traduire par "not-being qua se", c'est à-dire "without any determination".

    7. A. Diès, Le Sophiste, Les Belles Lettres, Paris, 1963, p. 238.

    8. D. Ross, Plato's theory of ideas, Clarendon Press, Oxford, 1963, p. 115.

  55. ———. 2014. La théorie platonicienne de la doxa. Paris: Les Belles Lettres.

    Deuxième édition ajournée 2014 (première édition 1981).

    Sur le Sophiste voir chapitre 7.

  56. Lassègue, Monique. 1991. "L'imitation dans le Sophiste de Platon." In Études sur le Sophiste de Platon, edited by Aubenque, Pierre, 249-265. Napoli: Bibliopolis.

    "Etudier l'imitation dans le Sophiste, c'est, semble-t-il, la condamner d'avance, puisqu'en ce dialogue le sophiste est celui qui imite et qu'il est aussi l'opposé du philosophe.

    Les rares commentateurs qui ont étudié l'imitation dans ce dialogue ont souligné le caractère négatif du contexte dans lequel cette notion apparaît. Il faut se garder de prendre trop au sérieux, pensent-ils, la distinction entre la "copie" (eikon), fidèle à l'objet qu'elle imite et le "simulacre" (phantasma) qui ne ressemble pas au modèle. Cette distinction faite par l'Etranger en 236 A-B, n'empêche pas en 241 E d'affirmer: «on ne pourra guère parler de discours faux, ni d'opinions fausses, ni d'images, ni de copies, ni d'imitations, ni de simulacres», tant qu'on n'aura pas réfuté Parménide et rejeté son interdiction de poser le non-être de quelque façon que ce soit. Ainsi, qu'il s'agisse de "copie" ou de "simulacre", il semble bien que l'imitation tout entière rentre dans une classe unique et que tout y soit de la même façon marqué de fausseté. Comment alors ne pas condamner l'imitation?" (p. 249)

    (...)

    "Si on admet ces analyses, on sera conduit à conclure que la doctrine de l'imitation qui apparaît dans le Sophiste n'est pas une nouveauté platonicienne, et qu'elle permet d'écarter un certain nombre d'ambiguïtés présentes dans d'autres dialogues.

    Le sophiste n'est pas l'imitateur par excellence, car ses modèles, comme ceux du peintre, sont des objets ou des êtres sensibles qui ne peuvent servir à produire de belles images. Le modèle n'est d'ailleurs pas seul en cause. Le sophiste n'a pas de bons modèles parce que ses intentions sont perverses, il veut séduire, donner à croire qu'il est savant alors qu'il sait ne l'être pas. Pour mener à bien son projet, il a besoin de l'imitateur véritable, celui en qui nous avons reconnu le philosophe.

    Le philosophe se fait aussi ressemblant au modèle que possible et, passant du faire au dire, il tient un discours véridique, qui sans doute n'est pas identique à l'essence, mais lui demeure fidèle. Si, en cherchant le sophiste, on trouve d'abord le philosophe, il ne faut pas s'en étonner : on ne saurait trouver d'image s'il n'y a pas de modèle. Le sophiste parodie le philosophe, ce n'est qu'un imitateur de pacotille, mais la vanité des images qu'il produit peut révéler pourtant, à sa façon, la valeur de l'image qui imite l'essence." (pp. 264-265)

  57. Ledesma, Felipe. 2009. "Le logos du Sophiste : image et parole dans le Sophiste de Platon." Elenchos.Rivista di Studi sul Pensiero Antico no. 30:207-254.

    Abstract : "The logos' question, one of the most important among the subjects that traverse the Plato' s Sophist, has in fact some different aspects: the criticism of father Parmenides' logos, that is unable to speak about the not-being, but also about the being; the relations between logos and its cognates, phantasia, doxa and dianoia; the logos' complex structure, that is a compound with onoma and rema; the difference between naming and saying, two distinct but inseparable actions; the logical and ontological conditions that make possible to say the truth, or to lie or simply to joke; the necessity of a most flexible logos that allows us to speak about the not-being, and about the being, but at the same time is a logos dangerously similar to the sophist's one; finally, the identity between the power to produce "spoken images" and the very power to speak. The aim of the present article is giving a systematical view of the matter that grasps all these faces." (pp. 207-208)

  58. ———. 2009. "Le sophiste et les exemples : sur le problème de la ressemblance dans le Sophiste de Platon." Revue de Philosophie Ancienne no. 27:3-39.

    "Gráce á ce jeu de ressemblance et de dissemblance qui d'entrée leur semblait impossible á dire, non seulement parce que ceci est ce que le père Parménide a dit, mais aussi parce que le logos même le montrait en résistant fermement á dire que ce qui n'est pas toutefοis est (85), Théététe et l'Étranger arrivent á rendre dicible qu'il y a des exemples, des images et des apparences sans renoncer á étre d'accord avec eux-mêmes, c'est-á-dire sans étre en désaccord á l'égard de ce qu'eux-mémes disent (86). Cependant, ils n'arrivent aucunement á dire ce qu'est finalement la ressemblance ni la dissemblance ; ils n'arrivent pas à dire ce qu'est finalement un exemple. Cela il faut le montrer.

    Il faut d'ailleurs en donner des exemples. Ce qu'ils font en effet le jour suivant, l'Étranger et le jeune Socrate, quand ils nous proposent I'exemple d'exemple, mais sans avoir jamais renoncé á son emploi, sans s'étre jamais passés des comparaisons, des ressemblances et de l'exercice. Il est vraiment difficile pour le logos d'en faire l'économie. Bien plus qu'arriver á rendre dicible sans désaccord qu'il y a des exemples, des ressemblances et de l'exercice." (p. 37)

    (85) Cf. 237 a-239 b.

    (86) En 240 c 8. le verbe employé est en effet σθμφωρείν.